Taï-pan
en avait un ?
— Sûr. S’il y en a un.
— Ah ! bon, alors, dit Fred en essuyant ses larmes. Frère Bert est mon meilleur ami.
— Où habitais-tu, avec ton papa ? demanda Struan.
— Dans une maison. Avec la maman à Bert.
— Où était cette maison, petit ?
— Près de la mer. Près des bateaux.
— Il avait un nom, cet endroit ?
— Oh ! oui, il s’appelait “Port”. On habitait dans une maison au Port, dit fièrement le gamin. Mon papa a dit que moi je devais tout vous dire, la vérité bien vraie.
— On va retourner auprès des autres, maintenant, tu, veux ? À moins qu’il n’y ait autre chose ? »
Fred refaisait adroitement son balluchon.
« Oh ! oui. Mon papa a dit comme ça de bien le rattacher comme avant. Secret, comme qui dirait. Et de rien dire. Je suis prêt, Vot’ Honneur. »
Struan dénoua le mouchoir. Mordieu, qu’est-ce que je vais faire de ce trésor ? Le jeter ? Je ne peux pas faire ça ! Retrouver les propriétaires ? Comment ? Ce sont aussi bien des Espagnols, des Français, des Anglais ou des Américains. Et comment expliquer d’où me viennent ces bijoux ?
Il alla au grand lit à colonnes, et le tira, en remarquant que son habit de soirée avait été méticuleusement disposé dessus. Il s’agenouilla près du lit. Un coffre-fort de fer était scellé dans le plancher. Il l’ouvrit et y déposa le paquet parmi ses papiers privés. La bible contenant les trois demi-pièces restantes attira son attention et il jura. Puis il referma le coffre à clef, repoussa le lit en place et alla ouvrir la porte.
« Lim Din ! »
Lim Din apparut aussitôt, les yeux brillants et le sourire aux lèvres.
« Bain pas mal vite-vite !
— Bain tout prêt, Massi ! Ça ne fait rien !
— Le thé ! »
Lim Din disparut. Struan traversa sa chambre et passa dans la pièce qu’il avait fait aménager tout spécialement pour le bain et le cabinet. Robb avait ri en voyant le plan. Mais Struan avait insisté pour que cette innovation fût construite exactement comme il la voulait.
La grande baignoire de cuivre était posée sur une estrade basse, et un tuyau en partait, traversait le mur et aboutissait à une fosse profonde creusée dans la roche, dans le jardin. Au-dessus de la baignoire, un seau de fer percé de trous était accroché à la poutre. Un tuyau amenait dans le seau l’eau de la citerne placée sur le toit. Il y avait un robinet au tuyau. Le cabinet était dans un réduit fermé, équipé d’un couvercle et d’un seau mobile.
La baignoire était déjà remplie d’eau chaude. Struan se dépouilla de ses vêtements trempés de sueur et se plongea dans le bain avec délices. Il s’y allongea et trempa un moment.
La porte de la chambre s’ouvrit et May-may entra. Ah Sam la suivait en portant un plateau, avec le thé et des dim sum chauds, Lim Din sur ses talons. Ils entrèrent tous les trois dans la salle de bain et Struan ferma les yeux en soupirant ; aucune menace, aucune explication n’avait réussi à faire comprendre à Ah Sam qu’elle ne devait pas entrer dans la salle de bain quand il se baignait.
« Bonjour, Taï-pan, dit May-may avec un radieux sourire. Nous allons prendre le thé ensemble. »
Il oublia toute son irritation.
« C’est bien », dit-il.
Lim Din ramassa les vêtements sales et disparut. Ah Sam posa le thé, joyeusement, car elle savait qu’elle avait gagné son pari. Elle dit quelque chose à May-may, en cantonais. May-may éclata de rire, Ah Sam pouffa et sortit de la salle de bain en courant.
« Que diable a-t-elle dit ?
— Des histoires de femmes. »
Il prit l’éponge pour la lancer et May-may lui dit précipitamment :
« Elle dit que tu es pas mal beaucoup bel homme.
— Pour l’amour de Dieu, pourquoi Ah Sam ne veut-elle pas comprendre qu’un bain est une affaire privée ?
— Ah Sam très privée, ça ne fait rien. Pourquoi faire tu es timide, heya ? Elle a beaucoup de fierté de toi. Tu n’as pas à avoir honte. »
Elle ôta sa robe de chambre, entra dans la baignoire et s’assit à l’autre extrémité. Puis elle versa le thé et offrit la tasse.
« Merci. »
Il but le thé et tendit le bras pour prendre un dim sum.
« Le combat était bien ? demanda-t-elle.
— Excellent.
— Pourquoi tu étais fâché ?
— Pour rien. C’est très bon, ça, dit-il en mangeant un autre beignet, puis il sourit. Tu es belle et je ne puis imaginer façon plus plaisante
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