Taï-pan
de prendre le thé.
— Toi aussi tu es beau.
— La maison a eu son fêng shui ?
— C’est à quelle heure le jugement des robes ?
— Minuit.
— La demi-heure avant minuit, tu reviendras ici ? Pourquoi ?
— J’aime bien voir mon homme. L’arracher à la grosse méchante vache. »
Elle avança un pied sous l’eau. Struan sursauta devant l’attaque intime et faillit lâcher sa tasse.
« Veux-tu ne pas faire ça, bon Dieu ! Allez, sois sage !
— Oui, Taï-pan, si toi de même tu fais attention, répliqua May-may avec un sourire angélique. Tu ne me regardes pas fixement comme tu faisais cette femme diable, quand bien même j’ai rien sur ma peau. Qu’est-ce que tu reproches à mes seins ?
— Ils sont parfaits. Tu es parfaite. Mais si. Et cesse de me taquiner.
— Alors tu reviendras, une demi-heure avant ?
— N’importe quoi pour avoir la paix. Et tu ne m’as pas dit si le fêng shui avait été fait.
— Sûr. »
Elle prit le savon et se frotta, mais n’ajouta rien de plus.
« Enfin quoi, le monsieur fêng shui est venu, oui ou non ?
— Sûr. »
Encore ce silence, cette douceur exaspérante.
« Et alors ? Qu’est-ce qu’il a dit ?
— Je suis horrifiquement désolée, Taï-pan, mais nous sommes en plein sur l’œil du dragon et il faut déménager.
— Nous ne déménagerons pas et on n’en parlera plus. »
Elle se mit à fredonner, posa le savon, se rinça et regarda Struan, d’un air naïf.
« Retourne-toi, je vais te savonner le dos.
— Nous ne déménagerons pas, déclara-t-il, pris de soupçons.
— Mary est venue, cet après-midi, et on a bien bavardé.
— On ne déménagera pas ! Je ne veux plus en entendre parler !
— Vraiment, Taï-pan, je ne suis pas sourde. Je t’ai entendu fantasticalement bien la première fois. Tu veux que je te frotte le dos, oui ou non ? »
Il se retourna et se laissa savonner.
« Nous allons déménager et voilà tout. Parce que ta vieille mère le veut, dit-elle en cantonais.
— Quoi ? Qu’est-ce que tu dis ?
— Un vieux proverbe cantonais. Quand l’hirondelle fait son nid, le soleil sourit.
— Qu’est-ce que ça veut dire, ça ?
— Ce que ça dit. C’est simplement une pensée heureuse, c’est tout. »
Elle lui rinça le dos et cria :
« Ah Saaaam ! Aaaaah ! »
Ah Sam arriva en courant, portant de grandes serviettes. May-may se leva et Ah Sam l’enveloppa puis tint l’autre pour Struan.
« Dis-lui que je le ferai moi-même, bon Dieu ! »
May-may traduisit. Ah Sam pouffa, posa la serviette et sortit. Struan sortit du bain. Il se laissa faire par May-may qui lui jeta la serviette autour des épaules. Avec étonnement, il s’aperçut qu’elle était chaude.
« J’ai dit à Ah Sam désormais cuire les serviettes un tout petit peu. C’est bon pour la santé, déclara May-may.
— C’est très agréable. »
Il s’essuya vigoureusement puis, en ouvrant la porte de la chambre, il découvrit que ses vêtements de soirée étaient posés sur un fauteuil et sur la coiffeuse et que le drap était rabattu sur le lit.
« Tu as le temps de te reposer un petit peu, lui dit May-may, et quand il voulut protester, elle insista : Tu vas te reposer ! »
Struan regarda l’heure. Ma foi, j’ai bien le temps, pensa-t-il. Il s’allongea sur le lit et s’étira voluptueusement.
May-may fit signe à Ah Sam qui entra dans la salle de bain et ferma la porte. À genoux, l’esclave dénoua les bandelettes des pieds de May-may, et les sécha soigneusement. Elle les poudra, remplaça les bandelettes par des bandes sèches et propres et glissa de petites pantoufles brodées aux pieds.
« Ils sont si beaux, Mère, dit-elle.
— Merci, Ah Sam, murmura May-may et elle lui pinça tendrement la joue. Mais je t’en prie, ne fais pas toutes ces réflexions sur les attributs de Père.
— J’étais simplement polie, et ils sont plus qu’un peu dignes de respect. Normalement, un père serait très heureux qu’on le complimente. Vraiment, je ne comprends pas notre père barbare. Il n’a pas une seule fois couché avec moi. Est-ce que je suis si répugnante ? »
May-may soupira avec lassitude.
« Je te répète que les pères barbares ne couchent pas avec toutes les femmes de la maison. Il ne le fera pas. C’est contre ses principes. Sa religion le lui défend.
— C’est vraiment pas de joss, grommela Ah Sam, d’avoir un tel père, si richement
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