Taï-pan
papistes.
— Que dit la mère supérieure ?
— Simplement qu’elle estimait devoir avertir les proches parents de Mary. Et que Mary avait dit d’écrire à George. »
Struan fronça les sourcils.
« Pourquoi diable est-elle allée à la mission catholique ? Et pourquoi n’a-t-elle pas prévenu Horatio ?
— Je n’en sais rien.
— Tu l’as dit à Horatio ?
— Non.
— Tu crois que Glessing le lui a dit ?
— J’en doute. On dirait qu’ils ne peuvent plus se souffrir, maintenant.
— Tu ferais bien de partir avec les Brock pour voir comment elle va.
— J’ai pensé que tu voudrais avoir des nouvelles précises, alors j’ai envoyé Jésus, le neveu de Vargas, hier, par lorcha. Longstaff n’a pas voulu accorder de permission à ce pauvre George et je voulais lui rendre service aussi. »
Struan se versa du thé, puis il considéra Culum avec un respect nouveau.
« Tu as très bien fait.
— Ma foi, je sais qu’elle est pour ainsi dire ta pupille.
— Sûr.
— La seule autre nouvelle, c’est l’enquête sur l’accident du grand-duc. Elle a eu lieu il y a quelques jours. Ils ont conclu que ce n’était qu’un accident.
— C’est ce que tu crois ?
— Naturellement. Pas toi ?
— As-tu été voir Sergueyev ?
— Une fois par jour, au moins. Il assistait à l’enquête, bien sûr, et il… il a dit beaucoup de choses aimables sur toi, comment tu l’avais aidé, soigné, que tu lui avais sauvé la vie, des choses comme ça. Sergueyev ne blâme personne, et il a dit qu’il a écrit au tsar dans ce sens. Il a dit ouvertement qu’il te devait la vie. Skinner a sorti une édition spéciale de l’ Oriental Times sur l’enquête. Je te l’ai gardée. Je serais surpris si le tsar en personne ne te remerciait pas.
— Comment va le grand-duc ?
— Il peut marcher, mais sa hanche est raide. Je crois qu’il souffre beaucoup, mais il n’en dit jamais rien. Il pense qu’il ne pourra plus jamais monter à cheval.
— Mais il va bien ?
— Aussi bien que possible, pour un homme dont les chevaux étaient la raison de vivre. »
Struan alla à la desserte et versa deux verres de xérès. Le gamin a changé, pensa-t-il. Oui, beaucoup changé. Je suis fier de mon fils.
Culum accepta le verre et regarda Struan.
« À ta santé Culum. Tu t’es bien débrouillé.
— À ta santé, Père. »
Il avait délibérément choisi ce mot.
« Merci.
— Ne me remercie pas. Je veux devenir Taï-pan de la Noble Maison. J’y tiens. Mais je ne veux pas des souliers d’un mort.
— Je ne l’ai jamais pensé !
— Oui, mais je l’ai envisagé. Et je peux dire sincèrement que cela ne me plairait pas. »
Struan se demanda comment son fils pouvait dire une chose pareille, si calmement.
« Tu as beaucoup changé, ces dernières semaines.
— J’apprends à mieux me connaître, peut-être. C’est surtout Tess… et puis d’avoir été seul pendant sept jours. Je me suis aperçu que je ne suis pas encore prêt à être seul.
— Est-ce que Gorth partage ton opinion sur les souliers d’un mort ?
— Je ne puis parler au nom de Gorth, Taï-pan. Rien qu’au mien. Je sais que tu as presque toujours raison, que j’aime Tess, que tu vas à l’encontre de toutes les choses auxquelles tu crois pour m’aider. »
Struan songea encore une fois aux paroles de Sarah.
Il but son xérès, d’un air songeur.
Roger Blore avait une vingtaine d’années, un visage crispé, des yeux soucieux. Ses vêtements étaient élégants mais élimés, et sa taille svelte. Il semblait affreusement las.
« Asseyez-vous, monsieur Blore, je vous en prie, lui dit Struan. Alors, pourquoi tout ce mystère ? Et pourquoi devez-vous me voir en secret ? »
Blore resta debout.
« Vous êtes bien Dirk Lochlin Struan, monsieur ? »
Struan s’étonna. Bien peu de gens connaissaient son second prénom.
« Sûr. Et vous ? Qui êtes-vous donc ? »
Ni le visage de cet homme ni son nom ne rappelaient quoi que ce fût à Struan. Mais sa voix était cultivée, son accent celui d’un grand collège, Eton, Harrow ou Charterhouse.
« Puis-je voir votre pied gauche, monsieur ? demanda poliment le jeune homme.
— Sangdieu ! Impertinent galopin ! Venez-en au fait ou sortez !
— Je comprends fort bien votre irritation, monsieur Struan. Il y a quatre-vingt-dix-neuf chances sur cent que vous soyez bien le Taï-pan. Mais je dois m’assurer que vous êtes bien
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