Taï-pan
maintenant.
— J’ai été stupide parce qu’une fois de plus, j’ai été un pantin.
— Hein ?
— Je crois que c’est toi qui m’as mis dans la tête cette histoire d’enlèvement. Je crois que tu as délibérément placé Orlov sous mon commandement, sachant que je lui donnerais l’ordre de nous marier. Je crois que tu m’as fait enlever Tess parce que tu savais que ça rendrait Gorth fou furieux, que ça le pousserait à t’insulter publiquement et te donnerait l’occasion de le tuer ouvertement ! C’est vrai ? »
Struan était immobile, à son bureau. Ses yeux ne quittaient pas ceux de Culum.
« Je ne sais pas très bien comment te répondre, Culum. Je ne sais pas si tu tiens vraiment à une réponse. Le fait est que tu voulais épouser Tess rapidement, et vous êtes mariés. Le fait est que Gorth a cherché à t’assassiner de la manière la plus abjecte et la plus lâche qui se peut concevoir. Le fait est qu’il est mort. Le fait est que je regrette de ne pas avoir eu le plaisir de le tuer, mais le fait est que je n’ai pas son sang sur mes mains. Le fait est que parce qu’il est mort, tu es vivant – toi et Tess. Le fait est que quoi que Brock en veuille faire, il a fait le serment sacré de vous donner bon bord et bonne rade. Et, pour conclure, le fait est que bientôt tu pourras prendre la relève. En tant que Taï-pan. »
Culum posa le presse-papier.
« Je ne suis pas prêt.
— Je sais. Mais tu le seras bientôt. Je vais rentrer chez nous pour quelques mois. Je ramènerai le Lotus Cloud l’année prochaine et je m’occuperai de Wu Kwok. Mais tout le reste te regardera. »
Culum réfléchit… être Taï-pan, être libre. Mais il n’était plus libre. Il avait Tess.
« Je crois que je peux faire ma paix avec Brock, dit-il, si tu n’essaies pas de le faire pour moi. Est-ce que tu as projeté tout cela ? Peux-tu me répondre par oui ou par non ? »
Culum attendit désespérément un « non ».
« Sûr, dit posément Struan. Je me suis servi de certains faits pour atteindre un but calculé.
— Quand je serai Taï-pan, j’associerai la Noble Maison à Brock et Fils. Brock sera le premier Taï-pan et je lui succéderai ! »
Struan se dressa d’un bond :
« Ce fumier ne sera pas Taï-pan de la Noble Maison ! Il ne commandera pas mes navires !
— Ce ne sont pas tes navires ! Ce sont ceux de la Compagnie. Brock n’est-il pas simplement un autre pion qu’on peut utiliser et abuser par caprice ?
— Je jure devant Dieu, Culum, que je ne te comprends pas. On te met toute ta vie entre tes mains, et la première chose que tu fais, c’est justement ce qui la détruira ! »
Brusquement, Culum vit son père clairement – comme un homme. Il vit la taille et la force et la dure figure burinée, les cheveux d’or roux et l’étonnant vert des yeux. Et il comprit qu’il serait toujours l’instrument de cet homme. Il savait qu’il ne pourrait jamais lutter contre lui, ni le persuader que le seul moyen de survivre seul en tant que Taï-pan serait pour lui de s’associer avec Brock, en espérant que Brock les laisse en paix, Tess et lui.
« Je ne pourrai jamais être le Taï-pan de la Noble Maison. Je ne suis pas comme toi. Je ne veux pas l’être et je ne le serai jamais. »
Dans le silence, on frappa à la porte.
« Oui ? gronda Struan.
— Soldat Massi là voir, peut ? demanda Lo Chum.
— Une minute. »
Culum se leva.
« Je crois que je vais aller…
— Un instant, Culum. Lo Chum, voir tout de suite, savez ? »
Lo Chum renifla d’un air irrité et ouvrit la porte en grand. Le jeune officier portugais entra.
« Asseyez-vous donc, capitaine Machado. Vous connaissez mon fils Culum ? »
Ils se serrèrent la main et l’officier s’assit.
« Mes supérieurs m’ont prié de vous annoncer officiellement, en votre qualité de chef des ressortissants britanniques, le résultat de notre enquête sur le meurtre du senhor Brock.
— Avez-vous arrêté les autres ? »
L’officier hocha la tête en souriant.
« Non, senhor. Je doute que nous les retrouvions un jour. Nous avons remis le tueur entre les mains des autorités chinoises, comme il se doit. Il a été interrogé, à leur inimitable façon. Il a avoué appartenir à une société secrète, le Hung Mun Tong. Je crois que vous les appelez les Triades. Il paraît qu’il est arrivé de Hong Kong, il y a quelques jours. À l’en croire, il y a une loge
Weitere Kostenlose Bücher