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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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Flahaut.
    Cela étant, même s’il n’avait pas « l’alcôve fougueuse », avec son large front de grand seigneur, ses yeux bleu-gris, subtils et ambigus, son nez retroussé aux ailes frémissantes et qui aimait autant aspirer les odeurs de l’amour que prendre le vent de la politique, avec ses lèvres charnues qui savaient aussi bien susurrer des mots tendres au creux d’une oreille délicate qu’imposer un diktat à l’adversaire, avec ses mains si fines dont l’habileté semblait vouloir compenser la maladresse du pied, Charles Maurice était incontestablement un grand sensuel.
    Et Adélaïde l’était tout autant.
    Le résultat de cette grande sensualité partagée fut que, le 21 août de 1785, un poupon vint au monde, que l’on prénomma Charles-Joseph et que monsieur de Flahaut, en homme bien élevé, accueillit avec bonté.
    Alors qu’il n’ignorait pas que, pendant qu’il comatait sur quelques coussins dans de profondes siestes de goutteux, son épouse légitime et l’abbé du Périgord s’en allaient s’ébattre sur un grand lit où ils avaient pris l’habitude de « fort rôtir le balai ».
    À la suite de quoi la liaison des jeunes parents devint quasiment conjugale.
    Ce qui ne sembla pas gêner le moins du monde l’employeur de Charles Maurice, à savoir le clergé. Mais il est vrai qu’entre deux déjeuners « à la fourchette », deux cinq à sept consacrés à la mère de son fils et les soirées joyeuses passées en compagnie de quelques dames accortes qui faisaient commerce de leurs charmes, l’abbé travaillait d’arrache-pied.
    Ce qui n’était pas le cas de son binôme, l’abbé de Boisgelin, autre agent général du clergé, neveu de l’archevêque d’Aix, qui affichait autant sa vie dissolue que son oisiveté. Lui aussi avait eu un fils illégitime, mais en ce qui le concernait il n’avait pas eu l’heur de rencontrer un mari conciliant. Monsieur de Cavanac n’avait en effet pas supporté l’affront du cocuage. À tel point que le trompé et le trompeur en étaient même venus à se battre à coups de pincette et de pelle à feu sous les yeux de l’épouse et amante poussant les cris d’orfraie de circonstance.
    À la suite de quoi Boisgelin passa son temps à tenter d’étouffer le scandale, laissant tout le travail du culte à Charles Maurice.
    — Oui, dira ce dernier, durant cinq années j’ai dirigé tout seul les affaires de l’agence.
    Et tiré tous les marrons du feu.
    Cette fonction, qui le mettait en relation avec les parlements pour la perception des droits ecclésiastiques, le versement des pensions, les problèmes de la dîme et de l’enseignement, le renflouement des caisses de l’Église, lui aura permis de faire preuve de crédibilité et d’étendre ses relations.
    — Vous êtes un monument de talent et de zèle, lui confia même un de ses supérieurs en lui allouant une « gratification extraordinaire » de 30 000 livres.
    De quoi l’aider à soutenir le train de vie somptuaire qu’il menait. Car, bien que disposant des revenus de l’abbaye rémoise de Saint-Denis, de ceux du vicariat général et de ses émoluments d’agent général, il était toujours couvert de dettes. Un psychologue, aujourd’hui, nous parlerait sans doute de compensation : si Charles Maurice vivait sur un grand pied, c’était évidemment pour oublier la chaussure orthopédique qui lui étriquait l’extrémité inférieure !
    Il est vrai qu’elle devait être pénible à supporter cette prothèse en forme de boîte arrondie, sans talon, à bord carré, à laquelle il avait fallu fixer une armature de fer, une tige qui montait le long du mollet jusqu’au-dessous du genou où elle se trouvait fixée par un bracelet de cuir.
    On imagine le calvaire permanent de l’abbé de Périgord.
    Avec cette étrange enveloppe pédestre on n’était pas vraiment très éloigné du brodequin que les bourreaux de l’Ancien Régime utilisaient pour faire avouer les suspects.
    En réalité, oui, le bottillon ressemblait plutôt à un engin de torture qu’à un soulier.
    Chaque matin, au saut du lit, Charles Maurice était en effet pratiquement chaussé comme le sera le pauvre Hippolyte, ce pied bot équin un peu varus imaginé par Gustave Flaubert dans les années cinquante du XIX e siècle lorsqu’il écrira Madame Bovary  ; le docteur Charles, le mari d’Emma – la victime de l’arsenic –, imaginera sur les conseils du pharmacien Homais faire

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