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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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souvient :
    — La Bourse de Paris recevait tout son mouvement des spéculations faites sur les fonds des établissements particuliers. On achetait, on vendait des actions de la Caisse d’escompte, des actions de la Compagnie des Indes, des actions de la Compagnie des eaux de Paris, des actions de la Compagnie contre les incendies, etc. Comme dans les temps de calamité, le jeu occupait toutes les têtes...
    La sienne, tout particulièrement !
    D’autant plus qu’il était alors le compagnon de bamboche de Calonne, lequel venait d’accéder à la fonction de contrôleur général des finances. Dans ces conditions, on imagine qu’il était bien placé pour lui tirer les vers du nez.
    Aujourd’hui, on parlerait de délit d’initié.
    Mais à cette époque les juges d’instruction vétilleux n’existaient pas.
    Ni n’écrivaient leurs Mémoires à gros tirages.
    Ce qui fait que, à trente ans, c’est-à-dire l’année même où madame de Flahaut lui avait donné un solide rejeton, le jeune Talleyrand s’était permis d’empocher l’équivalent de 100 000 euros.
    De quoi n’être tout de même pas un damné de la terre.
    — Oui, dira Mirabeau, je sais que pour de l’argent cet homme-là aurait vendu son honneur, ses amis et jusqu’à son âme. Et il aurait eu raison de vendre son âme car il aurait troqué son fumier contre de l’or.

Chapitre quatre
    Autun et hautain...
    À l’instar de Mirabeau, Governor Morris n’était pas franchement tendre avec lui.
    — Talleyrand me paraît fin, rusé, ambitieux et méchant, disait-il. Je ne sais pas pourquoi je tire, dans mon esprit, des conclusions aussi défavorables, mais c’est un fait et je n’y peux rien.
    Comme son nom pouvait l’indiquer, l’homme qui s’exprimait ainsi et qui manifestement, lui non plus, ne portait pas Charles Maurice dans son coeur était un Américain. Et pas le moindre, à dire vrai, puisque c’était à lui que Washington avait confié la rédaction de la Constitution des États-Unis.
    À la suite de quoi il l’avait envoyé à Paris, en mission semi-officielle.
    S’il avait l’oreille de Washington, Governor Morris avait aussi une jambe de bois. En 1780, un accident de whiskey – le cabriolet, pas l’alcool ! – l’avait en effet obligé à subir l’amputation de la jambe gauche. Cette infirmité dont il semblait s’être aisément consolé lui avait d’ailleurs permis d’obtenir la rare autorisation d’être présenté au roi Louis XVI sans avoir à porter l’épée.
    Et puis, il avait aussi été présenté à madame de Flahaut !
    En une seconde, en un regard, il en était tombé éperdument amoureux et dans l’instant il avait détesté Charles Maurice.
    Governor Morris était sous le charme d’Adélaïde. Mieux, elle l’avait envoûté. Son Journal , publié chez Plon-Nourrit au tout début du XX e siècle, est assez révélateur de la passion que la femme du gros comte goutteux avait su lui inspirer.
    Dès qu’il disposait d’un après-midi, d’une soirée, voire d’une heure, il bondissait jusqu’au palais du Louvre et grimpait lentement – eu égard à sa jambe de bois – les cent soixante marches qui le menaient vers la promesse du bonheur.
    Ce petit coup d’oeil sur ses carnets de notes est assez significatif :
    « 2 avril, souper avec madame de Flahaut. Pression de la main, regard de reconnaissance. »
    « 3 avril, visite du Louvre avec madame de Flahaut. Statues et tableaux. »
    « 20 avril, je prends le thé avec madame de Flahaut. Je lui promets de revenir. »
    « 26 avril, je reçois d’une dame un billet anonyme contenant une déclaration d’amour. Et si c’était elle ? »
    « 1 er  mai, je m’habille pour aller dîner chez madame de Flahaut. »
    « 27 mai, je finis la soirée dans le salon de madame de Flahaut. »
    « 9 juillet, visite à madame de Flahaut. Elle m’invite pour le lendemain. »
    « 12 juillet, je m’habille pour aller chez madame de Flahaut. »
    Hélas pour Governor, pendant qu’il revêtait sa tenue de soirée, Talleyrand avait déjà gravi lentement – eu égard à son pied bot ! – les mêmes cent soixante marches qui le conduisaient au septième ciel.
    Donc, pendant que l’un soignait délicatement sa mise, l’autre se dévêtait à la hâte dans la ruelle d’Adélaïde.
    Governor Morris attendait son heure ; il l’attendra désespérément.
    D’autant que, pour son rival, elle venait de sonner au bourdon

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