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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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émue pour Adélaïde.
    « J’espère que vous avez été aussi contente de votre place à la bouffonnerie du Champ-de-Mars que je l’ai été de vous admirer où vous étiez assise, lui écrit-il... »
    Et comme il est enclin à philosopher un peu, il poursuit :
    « Je déplore les progrès de l’incrédulité dans le peuple. Je partage l’opinion de Voltaire : soit que nous-mêmes nous croyions en Dieu, soit que nous n’y croyions pas, il serait dangereux pour toute société que la multitude pensât que, sans punition dans ce monde, et sans crainte d’un châtiment dans l’autre, elle peut voler, empoisonner, assassiner. Nous sommes dans un temps où les doctrines contraires à la morale sont plus à redouter que jamais, parce que les lois sont sans force et sans appui, parce que la masse du peuple se croit au-dessus d’elle... Je sais qu’il n’est pas très galant d’entretenir sa bien-aimée de rêveries philosophiques. Mais à qui pourrais-je confier mes pensées les plus secrètes, si ce n’est à vous qui êtes au-dessus des préventions et des préjugés de votre sexe ? »
    Et il achève son propos d’une pirouette galante :
    « J’espère que votre pénétration n’a pu laisser échapper à quelle divinité j’adressais hier mes prières et mon serment de fidélité, et que vous étiez l’être suprême que j’adorais et que toujours j’adorerai. Comment va votre embonpoint ? Notre Charles aura-t-il un frère ou une soeur, ou est-ce seulement une fausse alarme ? Embrassez notre cher enfant. Je souperai avec vous demain. Surtout brûlez cette lettre... »
    À la lecture de ce courrier, deux évidences s’imposent : premièrement, madame de Flahaut n’a pas obéi à son amant puisqu’elle n’a pas incendié le document – et c’est tant mieux pour nous ! –, ensuite il s’agissait bien d’une fausse alarme. Non, elle ne donnerait pas de fille ni de nouveau fils à son évêque préféré.
    Une nouvelle grossesse d’Adélaïde aurait-elle pu d’ailleurs changer la face du monde ? Le papa se serait-il assagi devant un nouveau berceau rose ou bleu ? Aurait-il, à cette occasion, fait serment de fidélité à la maman ? On peut toujours rêver...
    D’autant que les événements politiques qui défilent alors à grande vitesse vont le pousser plus que jamais du côté de Germaine de Staël.
    L’étatisation du clergé, son serment à la Constitution, sa renonciation à l’évêché d’Autun, la venue à terme de l’Assemblée constituante avec une impossibilité d’être réélu (comme il était en effet stupidement interdit de briguer un deuxième mandat, l’Assemblée allait devoir se priver d’hommes expérimentés), la mort de Mirabeau qui « emportait avec lui le dernier lambeau de la monarchie », la fâcheuse équipée de Varennes qui affaiblissait considérablement Louis XVI, tout cela faisait que, s’il n’y prenait garde, Charles Maurice risquait un jour ou l’autre de se retrouver marginalisé, sans aucun pouvoir et peut-être même en danger.
    Alors, il songea à Germaine.
    Il imagina que la fille de Necker pourrait oeuvrer dans l’ombre, jouer de ses influences pour lui obtenir un portefeuille de ministre. Et pourquoi pas celui des Finances dont il rêvait depuis toujours ?
    La cour qu’il fit alors à la Suissesse fut si empressée, si peu discrète que le Tout-Paris s’en amusa.
    Sauf Adélaïde qui était jalouse et inquiète.
    Jalouse parce qu’il la traita bientôt « avec froideur et cruauté » selon Governor Morris ; inquiète parce qu’elle savait qu’il avait reçu de nombreuses menaces de mort, émanant tant de ses ennemis politiques que de certains de ses partenaires de tripots à qui il devait des sommes énormes.
    — L’évêque d’Autun a une peur horrible de la mort, raconte encore le confident de Washington. En rentrant chez elle, hier soir, madame de Flahaut a trouvé dans une enveloppe blanche un testament de son évêque, la faisant son héritière. De certains mots qu’il avait laissé échapper elle avait conclu qu’il avait résolu de se suicider. Elle avait passé une nuit fort agitée et tout en larmes, soupire encore l’Américain qui gardait toujours l’espoir de pouvoir la consoler un jour.
    Talleyrand suicidaire ?
    Au vrai, il fallait l’être un peu pour aimer à passer sa fantaisie dans l’intimité de madame de Staël car, selon un chroniqueur, la dame était « grande, forte, charpentée

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