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Talleyrand, les beautés du diable

Talleyrand, les beautés du diable

Titel: Talleyrand, les beautés du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Decker
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prélat, de rebut de la noblesse, de nouveau Judas qui touche l’argent de la vente de la maison de Dieu, il se contente de hausser les épaules. Cuirassé d’indifférence tranquille et méprisante, il se sent comme porté par l’Histoire, en état d’impunité absolue. Est-ce que l’Assemblée ne le nomme pas à sa présidence en février de 1790 ? Est-ce que cinq mois plus tard il n’est pas désigné par le roi pour célébrer sur le Champ-de-Mars la messe de la fête de la Fédération destinée à réconcilier tous les Français ?
    La fête de la Fédération ! Un an jour pour jour après la chute de la Bastille.
    Célébrer la grand-messe du 14 Juillet, soit, mais en était-il encore capable ? Il n’en avait guère « joué » que trois ou quatre jusqu’alors et sa dernière apparition à l’autel avait été un fiasco. Ici, devant des centaines de milliers de spectateurs, il ne pouvait se permettre de confondre le credo et l’ agnus dei . Comment faire, dans ces conditions ?
    — Eh bien, mais venez donc vous entraîner avec moi, lui proposa Mirabeau. Tout au long de mes années de prison j’ai suivi tellement d’offices que je suis sûr de ne pas me tromper !
    Mirabeau et Talleyrand ! Ces deux hommes-là s’appréciaient autant qu’ils se détestaient.
    — Talleyrand est un gueux, disait le gros comte au visage grêlé, il n’est pas possible que Dieu fasse, par génération, deux scélérats pareils.
    Mais Charles Maurice n’était pas en reste. Dans une des premières séances de l’Assemblée constituante, par exemple, alors qu’il s’agissait d’élire le président et, qu’ayant pris la parole, Mirabeau s’était appliqué à brosser le portrait du candidat idéal énumérant ses qualités avec un détail de circonstances tel qu’il était impossible de ne pas le reconnaître lui-même dans le profil qu’il présentait, surtout quand il avait lancé :
    — Oui, messieurs, vous devez choisir un homme dont le courage et les talents permettent de tout attendre, un homme qui ait la confiance du peuple et celle de la Cour, qui sache parler aux foules avec autorité et aux ministres avec compétence...
    En tapant sèchement de sa canne, Talleyrand l’avait alors interrompu :
    — Il ne manque qu’un trait à ce que vient de dire monsieur de Mirabeau ; c’est que le président doit être marqué de la petite vérole !
    Une autre fois, au terme d’une de leurs discussions endiablées, Mirabeau lui annonce :
    — Je vais vous enfermer dans un cercle vicieux...
    — Ah ! ça, mais ! Vous voulez donc m’embrasser, s’exclame Talleyrand.
     
    Après-midi du 13 juillet de 1790. Les deux complices sont arrivés au 72 de la rue de Bourbon (aujourd’hui rue de Lille). Dans un salon mis à sa disposition par son ami le marquis de Sasseval, Charles Maurice procède donc à la répétition de la célébration de l’eucharistie patriotique, avec une cheminée pour autel et le gros et tonitruant Mirabeau en guise d’enfant de choeur.
    Et le lendemain, entre deux averses, il obtiendra un franc succès.
    On sait qu’au moment de monter à l’autel, appuyé sur sa crosse et coiffé de sa mitre, croisant le marquis de La Fayette, il lui souffle :
    — Je vous en prie, ne me faites pas rire !
    On sait aussi que le soir venu, après s’être hâté de revêtir sa tenue civile, se sentant chanceux, il se précipite dans une maison de jeu où il fait sauter la banque.
    — C’est vrai, racontera-t-il au baron de Vitrolles, j’emportai plus d’or que mes poches n’en pouvaient contenir, sans compter les billets de la Caisse d’escompte, et j’apportai tout cela chez madame de Laval qui m’avait convié à dîner.
    Mais il ne s’attarde pas chez la belle Catherine car ce soir-là le démon des tripots le tenaille et il sent que la chance est plus que jamais avec lui. Alors, il s’empresse d’aller hanter un autre établissement du Palais-Royal.
    — Mon succès fut total, ajoute-t-il. Je fis sauter une deuxième banque. Je revins encore chez madame de Laval lui montrer l’or et les billets. J’en étais couvert : mon chapeau entre autres en était plein... Ah ! quel beau 14 Juillet !
    Et comme il était fort exubérant, il est probable que la piquante vicomtesse ne se priva pas, cette fois, de partager un peu de son humeur radieuse...
    Le lendemain matin, alors qu’il vient tout juste de quitter les bras laiteux de la belle Laval, il a une pensée

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