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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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ou de serpent. Kartiyus, en bon courtisan, passa à son tour de longues
heures à écouter son interlocuteur lui parler de l’Ishbaniyah, de poésie ainsi
que des usages en cours dans cette région. Il ne manqua pas de se répandre en
propos louangeurs. Habile, le Grec attendait le moment propice pour évoquer les
raisons réelles de sa visite et il eut enfin satisfaction quand le prince
omeyyade, se promenant avec lui dans les jardins d’al-Rusafa, lui montra le
palmier au pied duquel était enterré son arrière-grand-père.
    — Cet arbre, Grec, t’est sans
nul doute familier. À ce que l’on m’a dit, on en trouve des milliers en Orient.
    — Certes, mais ils n’ont pas la
vigueur et la perfection de celui-ci. Je n’ignore pas, noble roi, que ta
famille régnait jadis sur la Syrie.
    — Et sur bien d’autres
territoires que mes aïeux avaient conquis sur les tiens.
    — C’étaient de valeureux
guerriers et nos empereurs, à l’époque, étaient des faibles et des lâches qui
n’ont pas su défendre le patrimoine reçu de leurs prédécesseurs. Ils ont dû
abandonner une partie de leurs possessions jusqu’à ce que la paix s’instaure
avec les califes de Damas.
    — C’était une trêve plutôt
qu’une paix. Tu dois savoir que nous ne déposons jamais les armes. Notre Dieu
nous ordonne de combattre partout et sans cesse afin que les peuples acceptent
de suivre les saints préceptes du Coran.
    — Puisque tu aimes la guerre,
ma proposition devrait t’enchanter.
    — Quelle est-elle ?
    — De nous aider à écraser
l’infâme al-Mutasim, le calife de Bagdad, celui que nous appelons, non sans
raison, l’ennemi du genre humain, tant il est cruel et sanguinaire. Tu as de
bonnes raisons de le faire.
    — Lesquelles ?
    — Tu pourrais récupérer la
Syrie dont est venu ton arrière-grand-père. L’un de tes lettrés m’a récité le
poème qu’il avait composé sur ce palmier et dans lequel il se plaignait d’être,
tout comme cet arbre, en exil, loin de sa terre natale. Toi, c’est différent.
Tu as vu le jour dans cette contrée et tu ne l’as jamais quittée. Mais je suis
sûr que tu te soucies de la gloire passée, qui fut grande, de ta famille et que
ton cœur tressaillirait d’allégresse si tu entrais dans Damas et visitais les
ruines d’al-Rusafa, le domaine construit par l’un des tiens.
    — Dois-je en conclure que ton
empereur n’entend pas récupérer ce qu’il pourrait considérer comme son bien
légitime ?
    — Il est assez lucide pour ne
pas nourrir de telles illusions. Il n’a ni les moyens ni l’envie de reconquérir
des terres dont l’immense majorité de la population professe une religion
différente de la nôtre.
    — Que me chantes-tu là ?
J’ai des sujets musulmans, chrétiens et juifs et ils vivent en bonne harmonie.
    — Voilà qui t’honore et c’est
précisément pour cela que ta réputation a traversé les mers pour parvenir
jusqu’aux oreilles de mon maître. Nos prêtres ne sont pas de cet avis. Ils
tolèrent la présence de quelques Juifs car ceux-ci sont indispensables au commerce.
Jamais ils n’accepteraient de laisser les habitants de l’Orient exercer la
religion que tu professes. Théophile n’a qu’un souci en tête : raffermir
son empire et le protéger contre les attaques de ses voisins. Les Abbassides
sont une menace constante pour notre sécurité, voilà pourquoi il t’offre de
venger tes parents jadis assassinés par al-Saffah et de prendre la place du
calife de Bagdad, moyennant la signature d’un traité d’amitié entre nos deux
États.
    — Ce n’est pas la seule raison.
J’ai ouï dire que certains de mes compatriotes, dirigés par Abu Hafs
al-Balluti, s’étaient installés dans une île [100] proche de ton pays et se livraient à la piraterie contre vos navires de
commerce.
    — Tu es bien informé, Abd
al-Rahman. Effectivement, certains de tes sujets se comportent de manière
scandaleuse. Nous savons qu’ils le font sans ton accord. Ils ont dû quitter ton
royaume car ils avaient eu l’audace de se révolter contre toi et méritent donc
le châtiment que tu leur infligeras.
    — Kartiyus, je te ferai connaître
ma réponse sous peu.
    Abd al-Rahman avait été troublé par
les paroles du Grec.
    Certes, l’empereur n’agissait pas de
manière désintéressée ou par affection envers lui. Théophile avait besoin d’un
allié pour éviter l’invasion de ses domaines par al-Mutasim et l’émir

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