Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
Vom Netzwerk:
s’agissait d’offrir aux invités la quintessence du luxe et de la
richesse de Kurtuba et de leur faire savourer pleinement cette joie de vivre
qui caractérisait la cité dont les ennemis du souverain devaient reconnaître, à
leur corps défendant, la prospérité.
    Le prêtre nazaréen, Euloge, auquel
la princesse avait fait remettre de grosses sommes d’argent pour ses pauvres,
lui avait confié un jour avoir écrit à l’un de ses amis en Ifrandja :
     
    Kurtuba, autrefois ville
patricienne, est aujourd’hui, sous la conduite d’Abd al-Rahman, la capitale
d’un royaume arabe propulsé jusqu’au sommet de la gloire. Il l’a rendue sublime
par ses bienfaits et a étendu sa renommée de toutes parts. Il l’a enrichie et
l’a transformée en paradis terrestre.
     
    Venant d’un homme connu pour son
aversion envers l’islam, ce n’était pas un mince compliment.
    Cette description avait, en tous les
cas, frappé l’Umm Wallad et n’était pas étrangère à son désir d’organiser des
réjouissances dont le souvenir resterait gravé dans les cœurs de tous.
Puisqu’il s’agissait d’une surprise, il fallait qu’Abd al-Rahman ne s’aperçoive
de rien et c’était là la raison du mensonge forgé par al-Nasr et de l’exil
forcé de l’émir à al-Rusafa.
    Depuis des semaines, la ville
entière se préparait à l’événement. Les négociants juifs, prévenus par leurs
coreligionnaires, étaient accourus d’Ifrandja pour proposer à leurs clients les
soieries et les tuniques précieuses fabriquées en Orient, en Inde et en Chine,
qu’ils vendaient à des prix dépassant l’entendement. Tous les artisans –
al-Shi’fa se rappelait que son père se plaignait constamment de ne pas avoir
assez de travail – avaient reçu d’importantes commandes et leur quartier
était le théâtre d’une activité fébrile. Chaque jour, les serviteurs de la
princesse venaient se renseigner sur l’état d’avancement des préparatifs
cependant que les architectes bâtissaient à l’intérieur de l’Alcazar plusieurs
pavillons destinés à abriter musiciens, chanteurs, jongleurs et acrobates ainsi
que les domestiques chargés de servir lors du banquet qui constituerait
l’apogée de ce que le petit peuple appelait déjà « la nuit des délices ».
Les intendants avaient fait venir bétails, fruits et légumes des domaines les
plus éloignés, privant la cité de ses sources d’approvisionnement, et avaient
littéralement confisqué les cargaisons d’épices acheminées par les marchands
juifs. Le poète Yahya al-Ghazal, connu pour ses traits d’esprit mordants, avait
pour l’occasion fait savoir à ses familiers : « C’est bien la
première fois que l’on m’oblige à observer le mois sacré du jeûne alors que
nous ne sommes pas à l’époque de l’année où les foqahas nous ordonnent de nous
abstenir de tout plaisir. J’y consens d’autant plus volontiers qu’il s’agit
d’honorer notre souverain sans les bontés duquel nous serions tous des
mendiants. » Ce trait d’esprit avait fait rire toute la ville aux dépens
des dignitaires religieux. Les habitants comprenaient peu à peu la solennité de
l’événement qui se préparait. Chaque jour, al-Nasr recevait la visite de
notables le suppliant de les ranger au nombre des invités et, le soir venu, il
comptait avec avidité les pièces d’or qu’il avait reçues en échange du précieux
laissez-passer autorisant le porteur à se présenter, à la date convenue, à la
grande porte du palais. Tous n’avaient pu obtenir satisfaction. Al-Shi’fa avait
pleuré de rire en surprenant, un matin, la femme d’un cadi travaillant aux
cuisines. Désespérée à l’idée de ne pas figurer parmi les invités, elle n’avait
trouvé que ce moyen pour assister à la cérémonie. Cette matrone, habituée à
être servie, en était réduite à pétrir le pain. Prise de pitié, la princesse la
convoqua, lui fit honte de sa conduite et lui confia la surveillance de sa
garde-robe, l’assurant que, de la sorte, elle pourrait observer d’encore plus
près le déroulement des réjouissances. La malheureuse se confondit en
remerciements et prouva sa reconnaissance à sa bienfaitrice en la tenant
scrupuleusement informée des manœuvres ourdies en coulisses par Tarub.
     
    Suivant en cela les instructions de
son majordome, Abd al-Rahman arriva devant son palais à la tombée de la nuit.
Tout avait été calculé pour qu’il ne se doute de

Weitere Kostenlose Bücher