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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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ironiquement :
    — J’avoue que nos poètes
s’expriment mieux pour ne pas évoquer notre saint Prophète, sur Lui la
bénédiction et la paix, dont les écrits sont aussi limpides que l’eau de la
source de ZemZem. Je n’ai pratiquement rien compris à ce fatras de paroles
insensées si ce n’est que tes frères ne se distinguent pas par leur zèle
religieux. Dans ce cas, explique-moi par quel miracle les fils ou les
petits-fils de ces païens impénitents osent me défier au nom du Christ et se
cramponnent à une religion dont ils sont loin d’observer les préceptes ?
    — Noble seigneur, j’y ai déjà
fait allusion, la peur de ce qui les attend dans le monde futur dicte leur
conduite. Mais il y a plus et ta perplexité, j’en suis désolé, redoublera en
écoutant ce que je vais te dire. Les habitants de ces régions sont des sauvages
mal dégrossis que mes propres ancêtres et, avant eux, les Romains, ont eu bien
du mal à soumettre. Ils sont farouchement attachés à leur indépendance tout en
étant profondément crédules. Le bruit du tonnerre et la lueur d’un éclair
suffisent à les terroriser. Pourtant, ils sont prêts à lutter à mains nues
contre les ours qui attaquent leurs troupeaux ou à affronter des armées bien
supérieures en nombre. Nos rois ont usé envers eux de cruelles représailles
pour les obliger à se comporter en bons chrétiens et pour mâter leurs révoltes
incessantes. Les châtiments qui leur ont été infligés ont eu raison de leurs
anciennes superstitions. Ils les ont donc remplacées par celles de l’Église…
    — Quel langage oses-tu tenir
devant moi à propos de ta propre foi ? On croirait entendre un païen.
Nierais-tu l’existence de Dieu ?
    — Rassure-toi, je suis
chrétien. Pour moi, c’est le seul moyen de rester fidèle à Rome et à sa culture
que je place au-dessus de tout. Ce que je voulais te montrer, c’est que mes
concitoyens, une fois qu’on a su les dompter, ont l’obéissance chevillée au
corps. Elle est pour eux comme une seconde nature. Cela explique la fougue avec
laquelle ils combattent tes guerriers pour le compte de leurs anciens
persécuteurs. Je comprends que cela gêne tes projets. Mais qui sait ? Dans
deux ou trois générations, si vous êtes toujours les maîtres de ce royaume, tes
descendants seront peut-être heureux de trouver en eux leurs plus fidèles
alliés. Voilà pourquoi tu as tout intérêt à ne pas user de clémence envers eux.
Dans certains cas, la pitié est la meilleure des politiques. Ici, elle ne te
servirait à rien. À l’inverse, une sévérité soigneusement mesurée est le
meilleur moyen de t’assurer de leur loyauté à l’avenir.
    — Décidément, Récared, tu me
surprends. Tu me demandes d’être impitoyable envers tes frères. Ce n’est pas la
méthode que nous aimons utiliser dans nos conquêtes. La nôtre nous a plutôt
bien réussi puisque, de l’Euphrate à l’Atlantique, des milliers de peuples se
sont soumis pacifiquement à notre autorité quand ils ont compris que leurs rois
étaient impuissants à les protéger. L’un de mes fils, Abd al-Aziz, qui m’a
accompagné dans cette expédition, a conclu avec le comte Théodomir un pacte qui
pourrait servir de modèle à nos relations avec ton peuple. Il te prouvera que
nous, Musulmans, savons être généreux avec les Gens du Livre, qu’ils soient
juifs ou nazaréens.
    Moussa ordonna à l’un de ses
conseillers de lire le traité dont son fils lui avait envoyé une copie :
     
    Au nom d’Allah le Clément, le
Tout-Miséricordieux ! Écrit adressé par Abd al-Aziz Ibn Moussa Ibn Nosayr
à Tumir Ibn Abdush. Ce dernier obtient la paix et reçoit l’engagement, sous la
garantie et celle de son Prophète qu’il ne sera changé en rien à sa situation
ou à celle des siens ; que son droit de souveraineté ne lui sera pas
contesté, que ses sujets ne seront ni tués, ni réduits en captivité, ni séparés
de leurs enfants et de leurs femmes ; qu’ils ne seront pas inquiétés dans
la pratique de leur religion ; que leurs églises ne seront ni incendiées,
ni dépouillées des objets du culte qui s’y trouvent ; et cela, aussi
longtemps qu’il satisfera aux charges que nous lui imposons. La paix lui est accordée
moyennant la remise des sept villes suivantes : Orihuela, Baltana,
Alicante, Mula, Villena, Lorca et Elto. Par ailleurs, il ne devra donner asile
à aucune personne qui se sera enfuie de chez nous ou qui sera

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