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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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deux, mais j’en ignorais les raisons.
    — C’est te dire que je ne
plaide pas en faveur de l’un de mes obligés. Cependant, j’ai bien observé Musa
Ibn Fortun Ibn Kasi et je puis me porter garant de la sincérité de sa foi. Il est
infiniment plus pieux que certains de tes courtisans qui, le soir venu, se
glissent en cachette dans les tavernes des Nazaréens pour y boire du vin. Il a
servi dans ta garde comme officier et ses hommes sont prêts à le suivre
aveuglément. Si tu lui confies le commandement de l’armée envoyée contre Saïd
Ibn al-Hussein al-Ansari, il viendra à bout de ce maudit rebelle et, comme je
te l’ai dit, ses semblables te sauront gré de lui avoir accordé cet honneur
sans précédent. De la sorte, ils rompront toute attache avec ceux des leurs qui
sont restés nazaréens et qui le demeurent puisqu’à leurs yeux, devenir musulman
ne procure aucun avantage véritable. Tu feras ainsi coup double.
    Après avoir mûrement réfléchi,
Hisham suivit les conseils d’Amr Ibn Zyad. Quelques semaines plus tard, un
cavalier se présenta à l’entrée du Dar al-Imara et y déposa un sac contenant la
tête du chef rebelle. Dans une lettre, Musa Ibn Fortun Ibn Kasi expliquait à
l’émir qu’il s’employait à pacifier la région de Sarakusta et que les habitants
de cette cité s’étaient acquittés des impôts et taxes qu’ils avaient cessé de
payer depuis des années. Quand l’argent arriva à Kurtuba, le souverain ordonna
qu’il soit affecté à la construction d’un minaret dans l’enceinte de la grande
mosquée. Une fois celui-ci édifié, l’émir proposa à Musa Ibn Fortun Ibn Kasi de
l’accompagner lors de la prière du vendredi et, sous le regard horrifié de
certains vieux guerriers arabes, il l’invita à diriger la cérémonie. Cette
innovation fit sensation. Le soir même, plusieurs dizaines de Nazaréens de la
capitale demandèrent à être admis dans la communauté des croyants et les
gouverneurs des provinces signalèrent ultérieurement que l’on avait pu observer
le même phénomène un peu partout dans le pays.
     
    Depuis plus de un mois, il ne
cessait de pleuvoir. À Kurtuba, la vie semblait s’être arrêtée. Les habitants
demeuraient cloîtrés chez eux, ne sortant que s’ils y étaient obligés. La
partie basse de la ville était inondée et l’on avait dû loger tant bien que mal
dans les bâtiments publics les sinistrés auxquels des vêtements et de la
nourriture avaient été distribués. Les eaux du Wadi al-Kebir charriaient des
détritus et des troncs d’arbres arrachés aux berges ainsi que les cadavres
d’animaux surpris en amont par la crue. Dans les mosquées, les églises et les
synagogues, les fidèles, du moins ceux qui osaient braver les intempéries,
suppliaient Dieu de faire cesser ce déluge pire que la sécheresse qui avait
ravagé, deux années de suite, l’Ishbaniyah et provoqué une effroyable disette.
    Un matin, un énorme nuage de
poussière s’éleva à travers la brume. Le vieux pont romain s’était en partie
effondré, emportant avec lui une dizaine de sentinelles affectées à sa garde.
Réveillé par le bruit, Hisham s’enquit de ce qui s’était passé et convoqua son
devin juif, Jacob Ben Obadiah :
    — Juif, j’ai un mauvais
pressentiment. Tu m’as déjà annoncé que mon règne serait bref et, chaque jour,
je me prépare à la mort. Ce malheur signifie-t-il que ma fin est proche ?
    — Noble seigneur, ton heure n’est
pas venue et tu as encore plusieurs années à vivre, pour notre plus grande joie
à tous.
    — Pourquoi alors cette
catastrophe ?
    — C’est très simple. Dieu, dans
Sa grande bonté, t’adresse un message. Il veut que tu marques de ton empreinte
cette cité. Ton père, Abd al-Rahman, a bâti la mosquée et le palais où tu vis
aujourd’hui ainsi que sa magnifique résidence estivale d’al-Rusafa.
    — Je n’ai pas été inactif. J’ai
édifié un minaret autour duquel le mufti a fait planter des arbres et aménagé
un jardin où les fidèles aiment à se retrouver pour deviser.
    — Je le sais. Tu t’es préoccupé
de l’âme de tes sujets et cela te sera compté en bien. Mais tu dois aussi
veiller à leur bien-être matériel et réparer les édifices anciens. Les miens
vivent dans ce pays depuis des générations et, lorsque le premier d’entre eux
s’est installé dans cette ville, je suis sûr que le pont était déjà là. C’est
un véritable miracle qu’il ait

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