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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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cœur se serrer. L’épaisseur du mur interdisait à la lumière d’y pénétrer. Depuis combien de temps Mounia était-elle emprisonnée dans cet endroit ? Depuis combien de temps avait-elle été privée de l’éclat du jour ?
    Il chassa cette pensée. À quoi bon ressasser le passé ? se torturer à sa place ? Mounia était sans doute morte, quelque part dans cet endroit trop calme pour que Marthe ne l’ait pas griffée. Il était venu là pour s’en assurer. Ensuite, il repartirait par le même chemin et tout serait terminé. Fini. L’enfant qu’on avait arraché à Mounia n’existait plus, il était un homme, désormais. Qu’avait-il besoin d’une mère puisque Elora était à ses côtés ?
    — Reste là, ordonna-t-il à Bouba dont les joues gonflées trahissaient la gourmandise.
    L’animal hocha la tête avant de replonger sa main dans la coupelle. Khalil se demanda une seconde combien il pourrait en enfourner avant de s’étouffer puis le quitta sur la pointe des pieds.
    Son œil avait été attiré par une petite pièce, enclavée dans la grande. Un portique, illuminé de part et d’autre par des chandeliers, en délimitait l’entrée, juste au-delà d’un bassin rectangulaire.
    Il s’y dirigea sans rencontrer âme qui vive.
    Le porche passé, il poussa une porte en plein cintre, s’avança à la lueur des nombreux candélabres qu’on avait installés là.
    Il frissonna à l’idée d’une chambre mortuaire.
    Mais pas autant qu’en la voyant.
    *
    Les jambes coupées et le souffle rare, il demeura planté là, à quelques pas du lit, devant ce profil creusé, ces mains osseuses jointes l’une dans l’autre par-dessus les draps. Incapable d’un mouvement, d’un geste. C’était elle, il le savait. Tout au fond de lui, il le savait. Même si elle était plus exsangue, plus décharnée que dans son cauchemar. Mounia. Sa mère. Il avait craint de la découvrir baignant dans son sang comme les hommes en bas, mais cette vision-là le ravageait davantage. Il comprenait soudain que Marthe ne reviendrait pas. Qu’elle était arrivée trop tard, comme lui.
    Alors soudain fit rage une tempête dans son ventre, une tempête imprévisible nourrie des mots de Nycola puis d’Elora, fidèles relais de ceux d’Enguerrand pour lui parler d’elle et, sans qu’il s’en rende compte, la lui faire aimer.
    Mounia n’était pas une inconnue, une étrangère. Non.
    Elle l’avait porté en elle, puis pleuré au point d’effacer toute envie de liberté. Quelle mère était plus digne de respect que celle que la fatalité venait de lui arracher ?
    Un sanglot improbable le poussa vers l’avant, éperdu de regrets, pour le jeter sur la couche, la tête sur ces mains dont il pressentait en lui le souvenir des caresses. Anéanti de chagrin quand l’instant d’avant il avait essayé de se convaincre d’en être protégé.
    —   Ouïmaona inemaïchoï, Khalil…
    Les mots le saisirent autant que le discret mouvement des doigts pour tenter d’essuyer ses larmes. Il se dressa, incrédule, devant ces paupières relevées, ces prunelles sombres emplies d’un amour si profond qu’il crut rêver. La fraction de seconde d’après, elles se refermaient. Il douta. Jusqu’à voir le visage se défroisser sur un sourire léger. Il chercha alors le pouls. Dans la cambrure des poignets, aux grandes veines, trop saillantes, du cou.
    Avant de se rabattre sur sa poitrine et d’y rester, secoué de longs sanglots. Mais plus de détresse, non. Plus de détresse.
    D’espoir.
    Car tout n’était pas perdu encore.
    Mounia l’avait reconnu. Il ne voulait pas savoir comment. Elle l’avait reconnu en sa chair, en son âme.
    Alors Khalil joignit ses mains à celles de sa mère, et se mit à prier pour que ce cœur fatigué tienne jusqu’à ce qu’Elora trouve le moyen de le raviver.

17
     
    En voyant la Khanoum et son cortège pénétrer dans la taverne, une lanterne à la main, Elora fut reprise d’un frisson détestable.
    Les suivre avait été plus retors qu’elle ne le pensait.
    Si elle était sortie du palais sans difficulté, ç’avait été pour enrager de découvrir la solide escorte qui attendait la Khanoum et son homme de main, hors de la dernière enceinte.
    Elle avait failli intervenir sur l’heure, quitte à les faucher tous, mais l’idée de tuer l’avait ramenée aux manières de Marthe. Elle ne voulait concéder aucune place au mal. Sans compter que le lieu n’était guère discret

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