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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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que les archers avaient quitté leur poste, escalader le mur d’enceinte, relever la herse, forcer l’entrée, fouiller la bâtisse de haut en bas avant de découvrir cette issue, les fugitifs pouvaient se prévaloir tout au plus d’une heure d’avance.
    Aux yeux de Briseur, ce n’était pas assez.
     
    Tandis qu’à la faveur de sa torche Celma entraînait déjà les enfants dans les profondeurs du souterrain, il s’activa à reboucler la serrure, puis à entreposer contre le battant les imposants barils de bière qu’il venait de déplacer. Le passage fut bientôt complètement obstrué et la porte bloquée. Désormais, à moins d’ouvrir une brèche dans le mur lui-même, leurs poursuivants étaient arrêtés.
    Allégé par cette certitude, Briseur rejoignit les autres à grandes enjambées, l’œil soudé, dans la nuit retombée, à la petite lueur d’espoir que le falot de Celma dessinait.
    Durant un long moment, ils marchèrent en silence, le pas vif, l’oreille aux aguets, dans un silence troublé des seuls halètements du chiot.
    Jean sentit bien sa cheville se tordre, sans doute sur une pierre que l’obscurité lui avait masquée, mais il n’y prêta pas attention. Un quart de lieue plus loin, la douleur lui remontait jusqu’à l’aine. Pour rien au monde, cependant, il n’aurait voulu se plaindre. Encore moins ralentir l’allure. Il était effrayé. Il ne savait trop si c’était d’imaginer la potence ou le souvenir de leur dernier voyage dans la neige et la tourmente. Il serrait les dents comme il avait vu Bertille le faire des jours durant alors qu’ils avançaient au milieu des congères, les sourcils et les cheveux congelés malgré l’écharpe et le bonnet, le souffle embuant l’air glacé. Il ne voulait plus ressentir ces aiguilles de glace dans ses orteils, plus jamais ôter ses souliers et frotter ses pieds au sang pour les ramener à la vie. Jusqu’au moment où, malgré toutes ces précautions et comme ce fut le cas pour Bertille, l’os gela sous les crevasses. Le souvenir du coustel de La Malice chauffé sur la braise, hantait encore ses nuits. Il le revoyait s’abattre sans pitié, sectionner les orteils noirauds de la fillette qui pleurait de les voir rouler, insensible pourtant à toute douleur. Inquiète de gangrène.
    Non. À présent qu’il avait goûté à l’abri de murs épais, à la quiétude de repas fournis et à la chaleur d’un foyer, Jean ne voulait plus de cette vie de misère et de rapine. D’errance et d’insécurité. Il voulait jouer avec Noiraud, partager sa pitance avec lui.
    Il chercha la tête de son chien qui avançait à ses côtés, calé sur sa démarche rapide mais de plus en plus claudicante. Devinant sa difficulté, Noiraud la releva pour lui permettre de prendre appui dans son pelage épais.
    — Bon chien, murmura Jean, essoufflé par la course et la douleur.
    Noiraud se pressa contre sa jambe pour alléger encore son pas. Déjà fort pour son jeune âge, l’animal arrivait à la hanche de son maître. Coupé de loup, il en avait l’allure malgré son naturel facétieux. Avant longtemps, Jean en était convaincu, il serait à même de le protéger. Contre Luirieux qui le lui avait offert, peut-être. Contre d’autres, sauvages. Des larmes lui piquèrent les yeux.
    Le découragement le saisit. Il manqua un pas. Se retrouva tout de même propulsé en avant par la détermination de la bête. Et buta contre Bertille qui venait, elle, de s’immobiliser brusquement.
    — Eh bien ? s’étonna-t-il.
    La fillette ne bougea pas. Le cœur de Jean s’emballa dans sa poitrine. Il détestait lorsqu’elle se figeait ainsi sous le coup d’une prémonition. Qu’allait-elle leur annoncer cette fois ? Il avait son content de mauvaises nouvelles. Il ne voulait plus de mauvaises nouvelles. Il était désespéré de mauvaises nouvelles.
    La torche changea de côté. Celma revenait vers eux. Sans doute alertée elle aussi par quelque intuition. Peste soit de la mère et de la fille ! songea Jean l’espace d’une seconde et de méchante humeur, avant de se reprendre. C’était grâce à elles qu’il était en vie. Il ne devait pas oublier cela. Tout au contraire, profiter de ce moment de répit.
    Il pouvait durer quelques secondes, ou plusieurs minutes, selon le cas. Briseur l’avait bien compris qui soupira derrière eux.
    Lâchant Noiraud, Jean s’assit contre la paroi et ramena son mollet dans sa main pour jauger de l’état de sa

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