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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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jour choisir entre mon travail et lui.
    — C’est un avocat aussi ?
    — Voilà l’un de ses défauts, justement. Nous nous retrouvons souvent à parler de travail alors que nous devrions parler d’amour.
    Le sourire de Catherine montrait qu’elle s’accommodait tout de même très bien de ce petit travers. Elle eut envie de s’informer des affections de son amie, mais comme Thalie n’avait évoqué personne au gré de leur correspondance, elle demanda plutôt :
    — Ton charmant grand frère a aussi commencé à travailler.
    Comment se porte-t-il ?
    — Un peu torturé encore, comme la plupart des vétérans, mais il
    paraît
    déterminé
    à
    être
    heureux.
    Maintenant,
    il regarde le ventre de sa femme grossir au fil des semaines, un air béat sur le visage.
    — Il fait un joli pari sur la vie.
    Thalie hocha la tête. Mathieu se montrait fébrile depuis quelques semaines. L’achat d’une nouvelle part du magasin PICARD et une naissance prochaine le faisaient rêver d’une grande revanche sur le mauvais sort.
    — Et ton frère à toi ? questionna-t-elle.
    — Il parle maintenant de sa canne comme de sa meilleure amie. Il marche à la vitesse d’un vieillard, grimace souvent de douleur. Mais il a rencontré une gentille fille qui devrait lui faire une excellente épouse. Mes parents rêvent déjà d’un mariage double cet été. Tu viendras ?
    — Je ne raterai cela pour rien au monde, même si assister au mariage des autres à titre d’invitée devient un peu lassant.
    Toutes ses amies de l’université l’invitaient à tour de rôle.
    Catherine allongea la main pour saisir la sienne sur la table.
    Au lieu d’exprimer sa frustration, Thalie dit, en faisant signe au serveur :
    — Allons à la maison. Gertrude a très hâte de revoir sa protestante préférée.
    — Et moi d’exercer mon oreille française en l’écoutant.
    Quelques instants après, sur le trottoir, elles se tenaient la tête rejetée en arrière, la bouche ouverte pour avaler quelques-uns des gros flocons de neige tombant du ciel.

    *****
    Pendant une heure, peut-être deux, la conversation alla bon train dans l’appartement de la rue de la Fabrique. Puis les plus raisonnables allèrent se coucher. Les deux jeunes femmes ne comptaient pas parmi ceux-là. En chemise de nuit, Catherine rejoignit Thalie dans sa chambre et s’étendit sur le dos près d’elle, la tête sur le même oreiller.
    — Toi, tu n’as personne dans ta vie ? demanda-t-elle bientôt.
    — Non. Je deviens une vieille fille revêche. Les hommes comme ton fiancé sont soit apparentés à moi au point où m’intéresser à eux tiendrait de l’inceste, ou alors ils sont mariés, ou encore ils ont migré en Ontario.
    — Tu ne seras jamais revêche. Et j’ai du mal à penser que personne ne s’intéresse à toi.
    — Peut-être un jeune homme timide se languit-il quelque part. Si c’est le cas, il est si discret que je ne m’en suis pas aperçue.
    La main de la visiteuse serra la sienne. Cette présence la rassurait un peu, la ramenait à l’époque des rêves d’avenir partagés à la pension Milton.
    — Mais ta grande tristesse ne tient pas au prétendant qui tarde à venir, n’est-ce pas ?
    — Non, tu as raison. Les choses sont moins faciles que je ne croyais. Je m’imaginais que le monde attendait un nouveau médecin en jupon. En réalité, le monde se passait très bien de moi avant, et il semble résolu à s’en passer encore.
    — Ne t’en fais pas. Ta clientèle commence à prendre forme. Du moins, c’est ce que tu disais dans l’une de tes lettres.
    Soudainement, Thalie se tourna sur le ventre, enfonça son visage dans son oreiller, puis confia :
    — L’un de mes patients m’a rendue particulièrement triste. Un garçon de seize ans. Il y a dix jours, je suis allée prendre un café avec lui.
    Elle lui parla du cilice, des coups de griffe, de la présence continuelle de Chariot. Sa compagne grimaça à quelques reprises, résista mal à l’envie de formuler une remarque sur une pratique religieuse si malsaine. Devant son amie, elle se refusait à répéter les nombreux préjugés de ses compatriotes sur le catholicisme.
    — Tout cela, tuer sa volonté, renoncer à tout, remarqua Catherine... c’est comme un suicide.
    — Le pire des suicides. Au lieu d’accepter ses envies, ses pulsions, il va se vêtir d’une soutane pour les ignorer. Bien sûr, cela ne fonctionnera pas. Alors, plus son propre désir sera grand, plus il

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