Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
statues couvertes de toile et la plupart des lumières éteintes. Dans cette semi-pénombre, le crucifié montrait ses plaies sanglantes. Lors de la célébration du matin,
    les
    officiants
    revêtus
    des
    ornements
    de
    deuil s’étaient allongés sur le sol, devant l’autel.
    À trois heures, lui sembla-t-il, tout devint plus sombre encore, plus triste surtout.
    — Jésus a cessé de souffrir, songea-t-il.
    Une fois encore, une quinte de toux lui coupa le souffle.
    Il en était victime de plus en plus souvent, les taches vermillon sur son
    mouchoir
    témoignant
    d’une
    cruelle
    réalité.
    Après la cérémonie, il s’arracha péniblement à son banc pour faire un autre chemin de croix.

    *****
    À Pâques, quelle que soit la température, il convenait de porter des couleurs pâles et d’étrenner un chapeau de paille. Elise Hamelin se pliait de bonne grâce à cette tradition. A la fin de la cérémonie
    religieuse,
    elle
    descendit
    l’allée
    avec
    Pierre et Estelle, ses parents derrière elle. Tout le monde, dans la paroisse Saint-Dominique, connaissait la jolie veuve.
    Malheureusement pour elle, aucun veuf d’un âge raisonnable n’avait exprimé son intérêt.
    Une fois sur le parvis de l’église, elle s’approcha île la famille Dupire, un peu intimidée.
    — Bonjour, Eugénie. Il y a longtemps que nous n’avons pas eu l’occasion de bavarder.
    — Oh! Elise, rétorqua son interlocutrice après une hésitation, comme si elle avait du mal à la reconnaître. C’est vrai, la vie nous a séparées.
    Rien, dans le timbre de la voix, n’indiquait de regret. Le rose monta aux joues de la veuve. Très vite, elle se tourna vers Fernand pour dire :
    — Bonjour... Dans votre cas, il y a encore plus longtemps.
    Le petit mensonge passa inaperçu.
    — Vous et moi avons beaucoup fréquenté les Picard il y a longtemps, pour nous perdre de vue ensuite.
    En disant ces mots innocents, l’homme inclina la tête.
    A son bras, sa mère regardait la nouvelle venue avec intérêt.
    — Vous êtes la fille du docteur Caron, n’est-ce pas ?

    — Oui, c’est bien moi.
    La vieille dame conservait une mémoire intacte.
    Pourtant, elle utilisait cette entrée en matière pour converser avec les plus jeunes.
    — Et voilà vos deux beaux enfants, ajouta-t-elle.
    — Oui. Il s’agit de Pierre et d’Estelle.
    Ceux-ci murmurèrent un «madame» en guise de salutation. Ils se tenaient près de leur mère sans dire un mot, afin de ne pas déranger la discussion des grandes personnes.
    — Comme ils sont grands... Le temps passe si vite. Ils sont certainement une grande consolation pour vous.
    L’âge seulement permettait d’évoquer d’une voix douce les plus grands malheurs, et de résumer en quelques mots toute une existence.
    — Vous avez raison...
    Etrangement, la jeune femme eut envie de se confier. La vieille dame posa sa main gantée sur la sienne, le geste complice la toucha.
    — Je vais rejoindre mes parents, dit-elle plutôt, un peu mal à l’aise. Au revoir, Eugénie.
    — ... Au revoir.
    Les Dupire se dirigèrent vers l’automobile stationnée dans la Grande Allée, le petit groupe s’adaptant au pas très lent de l’aïeule.
    — Comme elle est bizarre, commenta l’épouse. On dirait qu’elle veut renouer avec moi.
    — C’est compréhensible, répondit Fernand à voix basse.
    Tu es une personne tellement attachante.
    Elle fixa sur lui un regard mauvais. Certains jours, elle en venait à regretter l’absence de Jeanne. Depuis son départ, son mari ne lui épargnait aucune remarque caustique.

    Même sa morosité commençait à lui peser. Mais pouvait-elle renvoyer la bonne maigrichonne pour faire revivre un amour ancillaire ?
    Quant à tenter un rapprochement avec lui, malgré l’insistance de son confesseur, elle n’y songeait même pas.

    *****
    Au cours des derniers mois, Fernand consacrait de nombreuses heures à parcourir la ville à pied. La marche lui permettait de dominer la colère qui l’habitait si souvent.
    En même temps, cette habitude lui valait d’éprouver une certaine culpabilité. En son absence, pour réduire leurs contacts avec Eugénie, les enfants tendaient à s’enfermer dans leur chambre.
    Ces derniers temps, ses promenades trouvaient un nouvel objectif. A trois heures, il mit son chapeau de feutre et quitta la maison. Les plaines d’Abraham toutes proches lui permettraient de se délier les jambes, et cela en agréable compagnie. Quand il s’engagea dans une

Weitere Kostenlose Bücher