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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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s’ouvrait sur des gencives édentées.
    Amusée, la jeune femme continua :
    — Vous savez, ils vont en s’améliorant pour devenir un jour de grandes personnes.
    Si cela ne le rassura pas totalement, au moins la remarque lui amena un sourire. Quand elle se retira, Thalie revint, cette fois avec une blouse propre sur le dos, les cheveux bien en place.
    — Alors, comment allez-vous appeler ce merveilleux chef-d’œuvre ?
    — Alfred, répondit Flavie sans l’ombre d’une hésitation.
    La décision toucha la jeune femme. D’une voix changée, elle dit:
    — Oh ! Si tu savais comme cela lui aurait fait plaisir !
    C’est comme si tu lui donnais la chance de se prolonger un peu. Elle fixait son frère des yeux pour jauger l’effet de ses mots. Si l’on s’en tenait à la généalogie, cette naissance prolongeait la vie de Thomas, pas celle d’Alfred.
    — C’est naturel, répondit Mathieu sur le même ton. Ce que je ne dois pas à ma mère, je le dois à mon père.
    L’étrangeté de l’échange échappa totalement à la nouvelle maman, perdue dans la contemplation de son rejeton.
    Elle continua encore :
    — Thalie, j’espère que tu voudras bien être sa marraine ?
    — Je ne sais pas..., balbutia-t-elle.
    — Mathieu et moi sommes tout de suite tombés d’accord, renchérit la maman, dans le cas d’un garçon.
    — En plus d’être ma sœur, tu es l’accoucheuse, ajouta l’homme. Cela lui vaudra sans doute des soins de santé gratuits. Puis maman et Gertrude approuvent totalement notre choix.
    La question avait déjà obtenu un appui unanime en haut lieu. Thalie ne pouvait tout de même se priver de la satisfaction de résister un peu.
    — D’habitude, la marraine vient avec un parrain.
    — Comme on ne peut pas attendre plus d’une semaine, selon les usages, et que tu ne nous as annoncé aucun mariage immédiat, nous devrons chercher ailleurs un volontaire de sexe masculin. À la limite nous mettrons une annonce dans Le Soleil pour dénicher la perle rare, persifla Mathieu.
    — Voyons, ne fais pas de mauvaises blagues avec ça.
    De son lit, malgré son état de contemplation béate, Flavie suivait la conversation.
    — Acceptes-tu ? demanda-t-elle encore.
    — Evidemment, j’accepte. En fait, je me battrais pour avoir ce rôle. Mais la question demeure entière. Qui sera le parrain ?
    — J’avais pensé à Fernand Dupire, dit Mathieu.
    Le médecin imagina le gros notaire en face d’elle, près des fonts baptismaux.
    — Cela fera jaser. En temps normal, on choisit un parent...
    — Ce qui me laisse avec Edouard. Non merci.
    — Ensuite, toujours selon nos habitudes, c’est la femme du parrain, s’il est marié, qui est la marraine.
    — Eugénie, c’est pire encore qu’Edouard.
    Thalie le reconnaissait facilement. Au fond, le couple devant elle n’avait pas vraiment le choix. La prudence voulait que l’on choisisse des personnes assez jeunes pour se substituer aux parents, dans l’éventualité d’un décès de ces derniers. Ce critère éliminait Marie et Paul.
    — Je conviens que, comme compère, je pourrais tomber sur infiniment plus mal. Fernand est un homme bien.
    Maintenant, qu’arrive-t-il à ce poupon ?
    Depuis quelques secondes, Alfred junior suçait le bout de l’auriculaire de sa mère.
    — A peine une heure sur cette terre, et il a déjà faim.
    Ma belle, tu vas devoir payer de ta personne.

    — Tant mieux, avoir de si gros seins me paraît un peu étrange, commenta-t-elle en cherchant les boutons de son vêtement.
    Même inusités, les gestes lui venaient naturellement.
    Quand elle eut la conviction que l’enfant et la mère comprenaient bien leur rôle dans l’allaitement, Thalie dit à son frère :
    — Tu devrais téléphoner à Gertrude, maintenant.
    Elle a dû alerter maman. Bientôt, toute la maisonnée va téléphoner à la réception de l’hôpital. Tu leur diras que le médecin traitant interdit les visites avant ce soir, et celles-ci devront être courtes. La maman doit se reposer.
    Après avoir donné ses ordres, elle les laissa apprivoiser ensemble leur nouveau rôle de parents.

    *****
    Le 2 avril, Raymond Lavallée résolut de passer toute la journée à l’église Saint-Roch. De toute façon, plus les jours passaient, plus les membres de sa famille lui semblaient être des étrangers, passionnés par les futilités de l’existence, négligeant l’essentiel.
    En ce Vendredi saint, le temple s’offrait sous un jour nouveau, avec toutes ses

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