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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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siffla-t-elle d’une voix
cinglante. J’ai déjà assez abdiqué mon rôle de mère en vous laissant partir
avec mon fils dans l’air malsain à travers toute la région. Mais tout cela
s’achève ici et maintenant !
    J’implorai :
    — Ma reine, regardez votre enfant… Il est
resplendissant de santé, et plus fort que quand je suis arrivé…
    — J’ai dit : il suffit.
    Je n’osai lui désobéir, mais Frido ne se gêna pas pour le
faire.
    — Mère, j’ai dit au marin que j’irai. Je lui ai
solennellement ordonné de nous transporter. Puis-je renier ainsi la parole
royale ?
    Cette remarque la fit pâlir. Et soudain je compris pourquoi
Frido arborait cet air de fine mouche. Il venait de découvrir le stratagème
idéal pour s’imposer face à une femme telle que la reine Giso. Elle avait depuis
si longtemps insisté pour qu’il impose à tous la majesté de son rang,
l’éminence absolue de son statut, qu’elle ne pouvait décemment pas le laisser
ainsi se désavouer. Si la mère du prince héritier des Ruges lui demandait de
revenir sur sa parole, alors celle-là même qui était la reine des Ruges en
personne serait la risée de tous, et chacun aurait beau jeu de se moquer de son
outrecuidante vanité ! Aussi, bien que la victoire parût un temps
indécise, Frido parvint à ses fins. Giso laissa libre cours à un flot
d’abominables plaintes, de déclamatoires rodomontades, elle tordit ses bras en
tous sens, laissant même échapper quelques larmes, mais la haute conscience de
son éminence royale finit par avoir raison de sa sollicitude maternelle.
    — Je vous tiens pour responsable de tout ceci, me
cracha-t-elle avec virulence au visage, après avoir finalement capitulé. Avant
votre arrivée, Frido était un petit garçon obéissant et soumis. Vous avez sapé
son respect filial à l’égard de sa mère. Mais vous pouvez me croire, c’est bien
la dernière fois que je vous autoriserai à l’accompagner.
    Elle réclama en hurlant ses serviteurs et leur brailla ses
ordres, les chargeant d’aller préparer tout ce dont le prince pourrait avoir
besoin durant son voyage. Puis, elle me domina de nouveau de ses prognathes
dents et gencives. Je m’attendais à ce qu’elle me proclame garant de la santé
de l’enfant dès l’instant de notre départ. Au lieu de cela, elle déclara :
    — Quatre de mes fidèles gardes vous accompagneront, et
pas seulement pour veiller à la sécurité de Frido. Ils auront l’ordre de ne
jamais vous laisser seul avec lui, afin que vous ne puissiez plus infecter son
esprit de vos idées séditieuses incitant à la rébellion. Dès le retour de ce
voyage, Maréchal, vous quitterez immédiatement le palais. Mais si Frido venait
à manifester le plus petit signe d’insoumission, ce sera le dos lacéré de
filets rouges que vous prendrez congé. Ai-je été assez claire ?
    Cette menace, à la vérité, ne m’effraya guère, car je
n’avais aucune intention de me laisser fouetter. Mais je concéderai bien
volontiers que j’avais bien mérité de l’être. Car j’étais d’ores et déjà décidé
à fauter, non seulement contre les règles de la confraternité gothe, mais pire,
contre les usages les plus universels de l’hospitalité, tant celle qu’on offre
que celle qu’on reçoit.

 
18
    Le capitaine du bateau, toujours aussi peu disposé à se
lancer dans ce voyage, nous reçut en bougonnant et en redoublant de jérémiades.
Je suis sûr qu’il aurait trouvé un expédient de dernière minute, quitte à
percer un trou dans la coque de son embarcation, si la reine Giso ne nous avait
pas suivis sur le débarcadère, se montrant si désagréable envers toutes les
personnes présentes que la seule vue de l’Océan Sarmate semblait désormais
préférable à celle de Pomore. Le marin leva les bras en l’air, résigné, et
plaça ses hommes aux avirons. Et nous partîmes.
    Le bateau était un large navire marchand « arqué en
pomme », très semblable à ceux que j’avais vus sur la Propontis. Certes,
il n’était pas aussi grand, mais il possédait deux mâts ; et bien
évidemment toute voile n’aurait pu constituer qu’un handicap, puisque nous
devions progresser contre le vent du nord. Nous dépendions donc entièrement des
rameurs pour notre propulsion. Ceux-ci ne disposant que de deux bancs latéraux,
notre navire ne se déplaçait que très lentement, suffisamment en tout cas pour
me laisser penser que l’Océan Sarmate était aussi

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