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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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Gutaland.
    —  Ja, une grande île, très au nord d’ici. C’est
en partant de cette île que, dans les temps les plus reculés, les Goths sont
venus accoster ici. À la même période, mes propres ancêtres Ruges arrivaient
d’une autre île située plus à l’ouest et appelée Rugiland.
    — J’ai l’impression d’avoir déjà entendu parler de
Gutaland, fis-je. S’il s’agit bien de la même île, je l’ai entendu désigner du
nom de Skandza.
    —  Akh, tout ce qui est là-bas est appelé
Skandza, me dit Frido. (Il engloba d’un grand geste l’horizon tout entier, de
l’ouest à l’est.) Cela désigne les terres danoises, suédoises, finnoises,
lituaniennes, bref tous les peuples qui vivent derrière cet océan. Mais les
diverses parties de Skandza ont des noms bien distincts. Comme Rugiland, la
patrie ancestrale des Ruges. Ou encore Gutaland, qui est celle des…
    — Gutaland est-elle encore habitée ?
l’interrompis-je d’un ton passionné. Y subsisterait-il des descendants des
Goths ? Vos navires de Poméranie s’y rendent-ils faire du commerce ?
    Il répondit d’un ton incertain :
    — Je crois bien qu’ils s’y rendent, oui. Mais ce
commerce est très limité.
    — Allons en parler avec le capitaine d’un bateau
marchand.
    C’est ce que nous fîmes, et nous eûmes la chance de tomber
sur un Ruge qui contrairement aux incultes paysans slovènes, avait pris la
peine de se documenter sur l’histoire des régions environnantes. Frido me
traduisit ses propos :
    — Il semble avéré qu’il y a très, très longtemps,
Gutaland a été une importante région de commerce maritime. Encore aujourd’hui,
quand nous faisons des échanges avec cette contrée, nous y retrouvons
d’étranges pièces de monnaie antiques : romaines, grecques, et même
crétoises. Mais cette activité très prospère dut cesser quand les Goths en
partirent, car l’île a perdu toute importance depuis des siècles. Elle n’est
plus habitée que par quelques familles éparses de fermiers suédois. Ils vivent
misérablement en faisant pousser un peu d’orge et en élevant un maigre troupeau
jaunâtre. Nous faisons venir de là-bas de l’orge pour préparer la bière, et
leur achetons les plus belles peaux de leur bétail. Je ne connais, je crois,
qu’une seule habitante d’origine gothe vivant encore là-bas, et elle a
totalement perdu la raison.
    — Cependant, j’aimerais beaucoup pouvoir dire à mon roi
que j’ai contemplé cet endroit. Voudriez-vous m’y emmener ?
    — En cette saison ? Alors que les eaux
gèlent ? Ni.
    J’insistai.
    — Mon souverain veillera à ce que vous soyez grassement
indemnisé pour tous les dangers que vous encourrez. Et lui ne paie pas en
vieilles pièces antiques, vous pouvez m’en croire.
    — Il ne s’agit pas de danger, fit-il impatienté.
Seulement d’un terrible inconfort et de beaucoup d’efforts inutiles. Traverser
l’Océan Sarmate glacé dans l’amertume de l’hiver pour contempler une île sans
le moindre intérêt, c’est vraiment le projet d’un cerveau malade. Ni, ni. Vous
ne m’achèterez pas.
    — Mais on pourrait vous en donner l’ordre, intervint
Frido, à notre grande surprise à tous deux face à sa brusque manifestation
d’autorité. Moi, votre propre prince héritier, je désire également m’y rendre.
Vous nous y conduirez donc.
    Le marin eut beau argumenter, tempêter et protester, il lui
était bien difficile de refuser d’obéir à un ordre royal. Le prince lui
signifia froidement de se tenir prêt lorsque nous reviendrions, et nous prîmes
congé. Sur le chemin du retour, je déclarai :
    —  Thags izvis, Frido, pour ton intervention
princière. Mais tu sais bien que jamais ta mère ne te laissera faire une chose
pareille.
    Il me lança un regard de côté et dit simplement :
    — Nous verrons.
    Dans toutes les langues qu’elle pouvait maîtriser, du gotique
au ruge germanique en passant par le slovène kachoube, la reine Giso se récria
à cette idée.
    —  Ne ! Ni ! Nye ! Tu dois être
devenu fou, Frido, de songer ne serait-ce qu’un instant à une telle traversée.
    — Le marin affirme, Majesté, que nous ne courrons aucun
danger, et qu’il faut juste faire attention au froid.
    — Le froid constitue à lui seul un péril suffisant.
L’unique héritier de la couronne ne peut risquer de tomber malade.
    — Mais si l’on prend bien soin de l’envelopper de
fourrures…
    — Suffit, Maréchal !

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