Théodoric le Grand
signé de son
commandant en chef. Il fut instantanément enclin à exaucer toutes mes requêtes,
aussi lui demandai-je d’abord s’il avait eu vent d’un début d’engagement
guerrier en Mésie Supérieure. La guerre était toujours imminente, répondit-il,
mais pour l’instant rien d’autre ne lui était signalé que des mouvements de
routine. Je lui réclamai aussitôt de l’encre et un parchemin, sur lequel je
rédigeai un message. Je mandai au navarchus de le faire acheminer par
son dromo le plus rapide jusqu’aux Portes de Fer, et de le confier à la
flotte mésienne, qui le porterait sans délai jusqu’à Novae, entre les mains de
Théodoric.
Quand Frido et moi nous allongeâmes à table dans le triclinium des appartements du navarchus , pour notre premier repas civilisé
pris ensemble ailleurs qu’à la belle étoile, le précieux document voguait déjà
vers l’aval. Dans ce message à Théodoric, je n’avais évidemment pas perdu mon
temps à raconter les aventures et découvertes de ma mission pour une
compilation historique. Je lui expliquai juste, en termes succincts, comment
j’avais joué au Parménion en terre ruge, lui communiquant en substance
ceci : « Différez tout assaut contre Strabo et ses alliés jusqu’à mon
retour. Je ramène une arme secrète. »
20
Lorsqu’une barge nous emmena, avec Frido et nos montures,
vers l’aval en direction de Novae, les dernières glaces fondaient et les arbres
des berges étaient couverts de leurs premiers bourgeons. Le Danuvius passant
juste en face de mon domaine avant d’atteindre le cœur de la cité, j’y fis
débarquer mon jeune compagnon et le lui fis visiter. Puis je lui
proposai :
— Pourquoi ne pas t’installer ici confortablement, le
temps que j’aille repérer l’endroit où sont retranchées les troupes de ton
père ?
L’accueil des serviteurs, au terme d’une aussi longue
absence de leur maître, fut évidemment des plus chaleureux, et les servantes
poussèrent des soupirs d’extase quand je leur confiai la charge de leur nouveau
petit fráuja. Quant à Frido, il s’enthousiasma de cette demeure encore
plus vaste que le palais où il avait grandi. Je veillai à ce qu’il se sentît à
l’aise dans ses appartements puis, sans même prendre le temps de me baigner et
de revêtir une nouvelle tenue, je me rendis directement au palais de Théodoric.
Je pensais qu’il se trouvait sur le terrain avec ses
troupes, mais le vieux majordome Costula, après m’avoir accueilli avec
transport, me dit que le roi était dans son palais, et il m’introduisit
aussitôt en audience privée. Je trouvai mon ami plus élégant et royal que
jamais. Il avait pris un peu de poids – non de la graisse, mais du
muscle –, sa barbe avait maintenant la luxuriance de celle des héros, et
il avait l’air plus mûr et plus réfléchi. Cela n’empêcha pas une vigoureuse
accolade et de bruyantes salutations, assorties des meilleurs vœux de bonne
santé mutuelle. Il me repoussa alors à bout de bras et me dit :
— J’ai obéi à ta demande, Saio Thorn. Nul combat
n’a été engagé. Mais je confesse que j’ai piaffé d’impatience, ainsi forcé de
me réfréner. J’aurais préféré fondre sur l’ennemi avant de lui laisser la
moindre chance de choisir son lieu et son heure.
— Rassure-toi, tu vas pouvoir te lancer, à présent.
Je lui expliquai alors quelle arme j’avais ramenée, et
l’usage que je comptais en faire.
— L’enfant s’imagine que je vais l’emmener rejoindre
son père. En un sens, c’est exactement ce que j’ai l’intention de faire. Mais
je réalise que mon plan risque d’empêcher toute bataille, ce qui pourrait te
déplaire fortement. Je te revois m’expliquer combien tu privilégies la guerre à
la paix, préférant aller, comme tu le disais, mith blotha.
Théodoric sourit à ce souvenir, mais me surprit aussitôt en
secouant la tête.
— C’est vrai que je parlais assez légèrement du sang, ja, au temps où je n’étais qu’un guerrier parmi les guerriers. Mais plus
j’avance dans le métier de roi, plus je comprends l’intérêt d’économiser celui
de mes soldats. Et au risque de leur déplaire, jamais je ne dédaignerai un
stratagème susceptible d’amener une victoire rapide, sans effusion inutile. Je
te félicite donc, et te remercie du fond du cœur, Thorn, de nous avoir apporté
sur un plateau l’arme qui va précisément nous le permettre.
— Où se trouve
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