Théodoric le Grand
y
pénétreraient.
Théodoric nous laissa poliment éliminer les hypothèses
irréalisables. Puis se tournant vers Freidereikhs, il lui dit :
— Si tu veux donner de l’occupation à tes hommes,
gamin, dis-leur de commencer à creuser. Tu vois là-bas, à l’est du bâtiment,
cet angle en surplomb d’un promontoire ? Dis à tes Ruges de creuser un
tunnel sous les fondations, à cet endroit-là.
— Miner les murs par en dessous ? répéta
Freidereikhs, hésitant. Est-ce une mission suicide que tu ordonnes là,
Théodoric ? Si la muraille s’effondre, ses lourdes pierres écraseront nos
hommes.
— Fais-leur tailler d’épais madriers, et dis-leur d’en
étayer le tunnel à mesure qu’ils progresseront. Surtout pas de bois vert, trop
flexible. Qu’ils trouvent du bois dur, bien sec.
— Je ne comprends pas, fit le garçon. Pourquoi miner le
bâtiment, si c’est pour le laisser en place ?
Théodoric laissa fuser un soupir.
— Sois un bon garçon, va leur demander de le faire,
veux-tu ? Promets à ceux qui creuseront qu’ils se serviront les premiers
parmi les vierges trouvées à l’intérieur. Plus vite ils œuvreront, plus vite
ils jouiront de ces attentions. Habái ita swe.
Freidereikhs semblait loin d’être convaincu, cependant il se
contenta de répéter d’un air incertain : Habái ita swe, et fila
donner ses ordres.
— Pitzias, Ibba, Herduic…, fit Théodoric. Vous allez
faire loger tous vos sous-officiers chez l’habitant. Nous contraindrons ces
Sisciens à l’hospitalité, même contre leur gré. Aucune raison de coucher sous
la tente si en attendant nous pouvons dormir confortablement à l’abri.
Creuser ne fut pas chose aisée, mais au moins la besogne ne
présentait aucun danger. Freidereikhs n’avait à craindre aucune avalanche de
flèches sur leurs têtes, pas plus que la chute de pierres ou de liquides brûlants.
Et comme ils creusaient sous un promontoire, ils déposèrent sur les côtés de
l’entrée la terre qu’ils retiraient, et n’eurent pas à la charrier sur une
longue distance. Les murs de la forteresse étant très épais, ce n’était pas un
simple tunnel qu’étaient en train de dégager les hommes de Freidereikhs, mais
une véritable caverne, aussi tous ceux qui ne creusaient pas s’employaient-ils
à tailler des étais et à les positionner.
Dès que ce travail fut entamé, les quatre pères de la ville
rencontrés précédemment vinrent inspecter les travaux. Mais à leur mine je pus
constater que ces manœuvres ne les inquiétaient pas davantage que leur
précédent échange avec Théodoric. Leur assurance me donna à penser que le
plancher de l’abri était aussi impénétrable que ses murs et son toit, et que
l’idée qu’il pût être percé par le dessous les laissait de marbre. Or c’est
exactement ce que projetait Théodoric.
— Jusqu’où faudra-t-il creuser, Théodoric ?
demanda Freidereikhs au cinquième ou sixième jour de terrassement. L’excavation
fait actuellement un quart de stade de largeur et de profondeur [78] ,
et nous commençons à peiner pour trouver des pieux de soutènement en bois dur.
— Ce devrait être suffisant, décréta Théodoric.
Maintenant, envoie tes hommes en ville quérir toute l’huile d’olive qu’ils
pourront y trouver.
— De l’huile d’olive ?
— Imbibez-en les piliers et mettez-y le feu. Tu
prendras soin, alors, de faire reculer tes hommes à bonne distance du
promontoire.
— Ah-h-h ! souffla Freidereikhs, à mesure qu’il
réalisait le stratagème imaginé par Théodoric.
Son visage s’éclaira alors – le mien aussi, par la même
occasion – et il s’éclipsa sans perdre une seconde.
Les Sisciens commencèrent eux aussi à comprendre, quand la
fumée s’infiltra et remonta en volutes par les anfractuosités du sol. Les
quatre pères de la cité arrivèrent en trottinant, plus du tout suffisants, mais
l’air au contraire extrêmement inquiets.
— Avez-vous l’intention de faire rôtir tous nos jeunes
gens dans un four de pierre ? geignit l’un d’entre eux. Pour les gardes et
les hommes en état de se battre, cela ne dérogerait pas aux règles de la
guerre… Mais leurs femmes, niu ? Et les jeunes filles ? Les
enfants ?
— Nous n’avons pas allumé ces feux pour rôtir qui que ce
soit, répliqua Théodoric. C’est vrai qu’ils risquent de transpirer un peu
pendant que les étais brûleront. Mais bientôt, le coin du bâtiment
Weitere Kostenlose Bücher