Théodoric le Grand
plus précieux, leurs armes et leurs outils,
ainsi que toutes les victuailles qu’ils avaient pu prélever dans leurs
garde-manger.
Avec Théodoric, Freidereikhs et les autres principaux officiers,
je fis le tour de l’impénétrable structure, tâchant d’y repérer d’éventuels
points faibles. Nous n’en trouvâmes aucun. Quand nous eûmes achevé notre
circuit, nous tombâmes sur quatre anciens, les pères de la ville, dressés
devant nous, avec sur les lèvres ce sourire satisfait d’eux-mêmes qu’ont si
souvent les prêtres.
Théodoric leur déclara :
— Nous ne sommes pas des Huns. Nous n’avons pas
l’intention de saccager cette cité jusqu’à en arracher les pavés. Nous avons
juste besoin de nous ravitailler pour pouvoir repartir. Ouvrez votre
forteresse, laissez-nous y prendre simplement ce dont nous avons besoin, et je
vous fais le serment que votre or, vos jeunes filles et tout ce que vous avez
de plus précieux restera intact.
— Oh vái ! murmura l’un des vieillards,
souriant toujours avec sérénité. Si nous avions pu prévoir votre magnanimité,
nous aurions certes préparé d’autres arrangements. Mais nos gardes ont reçu des
ordres stricts. En aucun cas ils n’ouvriront les portes jusqu’à ce qu’ils aient
vu par les meurtrières le dernier envahisseur s’éloigner.
— Je vous suggère de surseoir à ces ordres.
— C’est impossible. Personne ne le peut.
— Akh , j’imagine que quelqu’un trouvera bien le moyen
de le faire, fit Théodoric d’un ton léger, quand j’aurai mis vos pieds à rôtir.
— Cela ne servirait à rien. Quels que soient nos
injonctions, les gardes ont fait le serment de ne céder à aucune pression, même
si vous ameniez devant eux leurs propres mères pour les brûler.
Théodoric hocha la tête, visiblement admiratif d’une telle
obstination. Puis il reprit :
— Je vous réitère cette demande pour la dernière fois.
Si vous nous obligez à forcer l’entrée du bâtiment, mes hommes voudront se
venger du travail ingrat que vous les aurez forcés à accomplir. Sachez que je
les laisserai disposer de tout ce qu’ils trouveront à l’intérieur, qu’il
s’agisse des biens ou des jeunes filles.
— Oh vái ! répéta le vieil homme, sans
paraître affecté le moins du monde. Alors prions simplement pour que vous ne
puissiez forcer l’entrée.
— La responsabilité vous en incombera donc, conclut
Théodoric, si nous ouvrons le coquillage et en dévorons la chair. Allez faire
vos prières ailleurs.
Tandis que les quatre hommes s’éloignaient d’un air
suffisant, le Saio Soas nous murmura :
— La fierté et l’honneur nous interdisent bien sûr
d’agir avec autant d’intransigeance. Cependant, nous avons un besoin vital de
ces vivres. Nos réserves sont épuisées, et nous ne pourrons plus obtenir aucune
subsistance sur notre route vers l’ouest. La Savus étant dorénavant trop peu
profonde pour que nos barges puissent la remonter, rapporter des vivres nous
sera impossible.
Plein d’enthousiasme, Freidereikhs s’écria :
— Laissez mes hommes se servir de nos machines de
siège. Jour et nuit, nous lancerons de grosses pierres…
— Ne, grogna Ibba. Ces murs ont l’épaisseur de
ta taille, jeune roi. Tu pourrais les marteler tout un été sans les ébranler.
— Très bien, reprit Freidereikhs, dont l’entrain ne
parut pas affecté. Mes archers peuvent planter des flèches enflammées dans les
anfractuosités. Par milliers, s’il le faut. Les défenseurs ne pourront jamais
toutes les éteindre. Nous les ferons proprement griller.
— Et tout ce qu’il y a dedans avec, c’est ça ?
grinça Pitzias, impatienté. Notre but n’est pas de priver la cité de ses
ressources. Ce qu’il nous faut, c’est pouvoir disposer de ces vivres.
S’adressant à moi, Soas suggéra :
— Ne pourrait-on essayer tes « trompettes de
Jéricho », Saio Thorn ?
Je secouai la tête.
— Nous pourrions, mais ce serait en pure perte, je le
crains. Ces portes ne sont pas de lourds vantaux à double battant comme celles
de Singidunum. Elles sont plus petites, massives et compactes, et ne laissent
place à aucune prise. Je doute fort que les « trompettes » puissent
les rompre.
— Même si nous en abattions une, renchérit Herduic,
l’entrée est trop étroite pour permettre un assaut massif. Les gardes à
l’intérieur faucheraient instantanément les quelques hommes qui
Weitere Kostenlose Bücher