Théodoric le Grand
de
mots :
— Tu as également disposé des forces afin de protéger
les flancs de la cavalerie d’Ibba, et d’autres pour détourner une éventuelle
contre-attaque, tandis qu’une dernière réserve est maintenue en attente,
pendant que bien sûr des forces de diversion vont aller harceler l’ennemi et le
détourner de la charge en « ruée de sangliers ».
Une fois encore, il arriva à bout de souffle. Il sourit de
toutes ses dents et conclut :
— Voilà ! N’ai-je pas parfaitement décrit la
disposition de tes troupes ?
— Non, fit sans ménagement Théodoric, et le visage de
l’enfant se referma. La cavalerie en ruée de sangliers, ja, mais elle
constituera la force de diversion, et non l’attaque principale.
— Ah bon ? Et pourquoi ?
— Observe, jeune roi. Les forces ennemies sont
exclusivement composées de cavaliers, mais elles ont mal choisi leur champ de
bataille. Le sol, ici, est rude et rocailleux, beaucoup plus propice à un
combat à pied. Observe aussi le ciel et le temps qu’il fait aujourd’hui.
Théodoric attendit un moment, et Freidereikhs répondit :
— Après-midi lumineux et ensoleillé, légère brise
d’ouest.
— Cela me permet de profiter de deux petits avantages.
J’ai envoyé Herduic et ses hommes attaquer à partir de l’ouest : le soleil
brillera face aux yeux de l’ennemi, et la poussière soulevée par la course des
assaillants se dressera telle une brillante barrière devant eux.
Freidereikhs émit un murmure d’admiration.
— Ja, je vois. Très malin, ça. Très efficace. Thags
izvis , Théodoric, là tu viens de m’apprendre plusieurs choses ! Mais
maintenant, puisque tu te jettes sur l’ennemi par l’avant et par le flanc…
laisse-moi lancer mes Ruges sur leurs arrières, afin de compléter
l’encerclement.
— Je ne veux surtout pas qu’ils soient encerclés.
Freidereikhs parut complètement interloqué.
— Quoi ? Mais pourquoi donc ? Nous pourrions
les écraser totalement.
— À un coût exorbitant, et qui n’est nullement
nécessaire. Apprends encore une chose, jeune guerrier. Hormis lors d’un siège
en bonne et due forme, n’encercle jamais ton ennemi. S’il se sent pris
au piège, il se battra avec l’énergie du désespoir, jusqu’au dernier, et
abattra beaucoup des tiens. Si au contraire une voie lui est ouverte pour fuir,
il tentera d’échapper au massacre. Je tiens à éloigner ces importuns de notre
route, mais sans faire couler plus de sang que nécessaire.
Quelque peu frustré, Freidereikhs gémit :
— Mais quand vais-je pouvoir me battre, alors ?
— Akh, je ne suis pas homme à priver de combat
de bons soldats, et je ne tiens pas non plus spécialement à épargner le sang de
l’ennemi. Emmène tes Ruges sur l’arrière, comme tu l’as proposé, en bordure de
leur voie de fuite. Quand ils vont détaler, laisse-les faire, mais châtie-les
au passage. Ravage leurs flancs, terrifie-les, éparpille leurs forces.
Assure-toi qu’ils ne puissent pas se regrouper pour contre-attaquer.
Vas-y ! Fais-toi plaisir !
— Habái ita swe ! cria Freidereikhs, et il
fila.
Point n’est besoin de détailler la bataille en entier, car
elle se déroula exactement comme l’avait prévu Théodoric, et s’acheva avant le
coucher du soleil. Quand nos deux corps d’armée attaquèrent conjointement,
l’essentiel de nos cavaliers, incluant Théodoric et moi-même, pressèrent le
front et le flanc est de l’ennemi, tandis que la « ruée de
sangliers » d’Ibba les chargeait en pointe. Puis, jaillissant parmi le
grouillant fourmillement des cavaliers, les fantassins d’Herduic s’infiltrèrent
comme une multitude de fourmis au sein d’un combat de scarabées. Ils arrivèrent
subrepticement, crevant le soleil et la poussière. Et les cavaliers adverses,
tournoyant parmi eux, zébrant l’air à grands coups d’épée, taillant de toutes
parts en braillant des cris de guerre, ne se rendirent même pas compte, dans un
premier temps, de leur présence. Mais nos fantassins couraient dans le
brouillard, enfonçant leurs épées dans le ventre des chevaux, coupant les
sangles des selles, sectionnant les tendons des écuyers sans méfiance et de
leurs montures, massacrant tranquillement ceux qui, désarçonnés, chutaient au
milieu d’eux. Le temps que nos ennemis réalisent qu’ils étaient littéralement
mis en pièces par en dessous, il était trop tard pour réagir. La
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