Théodoric le Grand
sarcastiques avaient suffisamment réussi à distraire l’attention de
la femme. Elle n’avait pas décelé l’arme véritable.
Entièrement rhabillée, je m’installai dans une séduisante
posture sur le lit. À ce moment-là, la porte s’ouvrit en claquant sur le mur,
et Tufa s’avança à grandes enjambées. Nous nous étions déjà brièvement vus à
Vérone et je le reconnus à l’instant, mais je n’étais pas inquiète : je
savais qu’il ne verrait en moi rien d’autre que Veleda. Il était vêtu d’une
élégante toge romaine qu’il avait fébrilement commencé d’enlever en entrant, et
ne portait rien en dessous. Je le connaissais déjà comme un spécimen de
virilité bien bâtie, et je pouvais maintenant constater de près qu’il était
effectivement richement doté par la nature : il avançait vers moi, son fascinum ostensiblement érigé. Je souris, supposant qu’au-delà de la curiosité, il
brûlait de jouir d’un long et lascif moment avec la talentueuse Veleda. Mais il
s’arrêta à deux pas du lit et demanda rudement :
— Que fais-tu encore habillée ? Pourquoi n’es-tu
pas déjà nue ? Crois-tu que j’ai du temps à perdre en pitreries ? Je
suis un homme très occupé, moi. Commençons cela sans délai, je te prie.
Je frémis, comme n’importe quelle femme l’aurait fait, levai
le menton avec mépris, et dis froidement :
— Excusez-moi, clarissimus. Il semble y avoir un
léger malentendu. Je ne suis pas venue ici pour solliciter comme une faveur la
saillie d’un étalon. J’avais cru comprendre que j’étais là sur votre
invitation.
— Ja, ja, fit-il impatienté. Mais beaucoup
d’autres choses me réclament.
Il jeta sa toge en travers du lit et se tint debout poings
sur les hanches, frappant le sol de la pointe de son pied en sandale.
— Déshabille-toi et ouvre les jambes.
— Un instant, clarissimus, soufflai-je entre mes
dents. Pensez à la somme considérable que vous avez engagée. Vous souhaitez
certainement en avoir pour votre argent, n’est-ce pas ?
— Vái, jeune fille, n’as-tu pas l’impression que
je suis plus que prêt ? Comment veux-tu que je m’y mette, si tu restes
habillée ? Dépêche-toi, que je puisse te le mettre !
— Est-ce vraiment là tout ce que vous cherchez ?
(Mon ressentiment de femme n’était pas feint.) Pourquoi ne pas aller vous
soulager dans un trou de ce mur en bois ?
— Slaváith ! Tous mes amis et connaissances
te sont déjà passés dessus. Il n’y a pas de raison que je sois en reste.
— C’est donc là votre seule préoccupation ?
fis-je, d’un air de dignité offensée. S’il en est ainsi, je vous autorise à
colporter à qui vous voudrez que vous m’avez eue, et je promets de ne jamais
contredire…
— Slaváith !
Il agita devant moi son poing immense et rugit :
— Je t’ai dit de fermer ta gueule, insolente ipsitilla !
Ôte-moi ces fringues et ces tortillons de métal ! Et ouvre tes jambes, au
lieu d’ouvrir ton clapet !
Je ne tenais pas à mourir de ses mains avant que je ne lui
fasse moi-même subir ce sort – et je crois vraiment qu’en cet instant,
n’importe quelle femme s’en serait chargée avec délectation –, aussi
préférai-je obéir. Mais je me dévêtis avec une lenteur exaspérante, ôtant mes
vêtements un à un comme dans un supplice de Tantale, à commencer par le double
ornement de poitrine en bronze qu’il avait appelé « tortillons »,
ajoutant d’un ton aussi enjôleur que mes gestes :
— Que vous le vouliez ou non, clarissimus, j’aime
en donner pour mon argent…
— Cesse de lambiner ou tu n’auras rien du tout. Si j’ai
accepté la somme exorbitante que tu exigeais, c’est pour éviter d’avoir à te
faire la cour, à négocier, à marchander ou je ne sais quoi. D’autres tâches
m’attendent ailleurs et je n’ai vraiment pas de temps à perdre.
Je fis une pause, à nouveau dénudée jusqu’à la taille, et
dis d’un ton incrédule :
— Vous avez devant vous la plus expérimentée, la plus
célébrée des courtisanes ayant jamais honoré cette cité, et tout ce que vous
voulez d’elle, c’est un coup dedans, un coup dehors et au revoir ?
— Akh, arrête tes boniments s’il te plaît. J’ai
déjà dit que je paierais ton prix. Ta réputation mise à part, tu n’as rien de
plus qu’une minable souillon d’arrière-cuisine. De toute façon, rien ne
ressemble plus à une chatte qu’une autre
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