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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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Mais au lieu de la porter à
ma bouche, je la suspendis au-dessus du bocal à poissons et l’écrasai d’un
geste brusque entre mes doigts, laissant couler dans l’eau son jus mélangé à sa
pulpe. Instantanément, les poissons commencèrent à s’agiter en tous sens et
l’un d’eux se retourna, remontant à la surface le ventre en l’air. Je relevai
les yeux vers Melania, soudain fort pâle, qui ouvrait à présent des prunelles
démesurées. Elle tenta de se lever en tremblant, mais je secouai la tête et
donnai un coup sec sur la table, signal que j’avais préalablement mis au point.
Toutes les portes situées derrière elle s’ouvrirent simultanément, dévoilant
chacune un des soldats de mon escorte, l’épée à la main. Ils n’attendaient que
mon ordre pour bondir, mais je restai sagement assis, attendant la réaction de
la femme qui me faisait face.
    — J’avais pourtant tout prévu à la perfection,
soupira-t-elle, un très léger tremblement dans la voix. J’avais pris la peine
de tout préparer. Rien ne pouvait te laisser deviner qui je suis. J’ai pris le
plus grand soin depuis que je suis à Rome, de ne pas me montrer en public. Et
pourtant, tu le savais avant même de rentrer chez moi. Comment as-tu
fait ?
    — Je savais exactement à quoi je devais m’attendre,
mais pas à qui. J’ai moi aussi naguère tendu un piège assez similaire à un
homme. Mon appât n’était certes pas aussi exotique et stylé que celui-ci et,
pour le coup, je n’ai pas eu à développer une patience aussi étonnante que
celle dont tu as fait preuve, mais le dessein général était le même. Il se
trouve que j’ai une certaine expérience des poisons. Cette fille est une venefica, n’est-ce pas ?
    La femme opina d’un air découragé.
    — Et au cas où je la dédaignerais (je saisis le petit
couteau à fruit) l’un des côtés de la lame, mais un seul, avait été enduit de
poison, c’est bien exact ?
    Elle acquiesça de nouveau.
    — Comment serais-je mort ? Secoué de violentes
convulsions, dont tu te serais délectée en riant ? Ou aurais-je sombré
dans une lente paralysie, qui t’aurait laissé le temps de m’expliquer la raison
de ma mort ? À moins que…
    — Non, interrompit-elle. Instantanément, sans douleur,
humainement. Comme ceux-ci.
    Elle désigna le bocal, où tous les poissons flottaient
paisiblement sur le dos.
    — Et si j’avais embrassé la venefica  ?
    — Idem. Le poison le plus vif, le plus immédiat, le
plus radical connu. On l’extrait des piquants du hérisson de mer. Je ne
t’aurais pas fait souffrir. C’était censé être ma revanche, certes, pour tous
ceux que tu as fait tuer. Mais d’inutiles tortures… Non, je ne t’aurais pas
infligé cela.
    Je soupirai.
    — Il y a longtemps que je n’ai plus tué quiconque.
Pourquoi avoir attendu si longtemps ?
    — Je n’ai pas attendu. Je n’ai cessé de m’en préoccuper
à chaque instant, durant toutes ces années. Il ne m’a pas été difficile de
découvrir qui avait perpétré ces assassinats. Mais les simples instruments du
crime ne m’intéressaient pas. Je voulais châtier le donneur d’ordre. Et j’ai
mis longtemps à le trouver. Quand j’ai appris que c’était toi, j’ai dû
réfléchir à un plan. Et pour cela, il me fallait pouvoir t’atteindre.
    J’émis un petit rire.
    — J’ai dû faire face au même problème, lorsque j’ai
tendu mon propre piège à ma victime.
    — Durant des années, tu n’as cessé de voyager à droite
et à gauche. J’ai dû suivre ta trace partout où tu allais. Enfin, lorsque tu as
semblé vouloir te fixer un peu, j’ai décidé que ce serait ici, à Rome, que je
placerais le piège. Et puis… le temps a passé. Il me fallait un appât qui te
fasse venir à coup sûr, et que tu ne puisses refuser. (Elle sourit d’un air
piteux.) J’ai sous-estimé ton expérience. Mais au fait, quel genre d’appât
féminin as-tu utilisé pour piéger l’homme que tu as tué ?
    — Seulement moi. Je n’en avais pas d’autre sous la
main.
    Elle me regarda d’un air éberlué, mais poursuivit.
    — C’est ainsi qu’il y a quatorze ans, je me suis
arrangée pour acquérir un bébé femelle de la race la plus rare possible. J’ai
envoyé des émissaires à l’autre bout de la Terre… je te laisse imaginer à quel
point cela a pu être long, frustrant et compliqué. Après quoi, il m’a fallu lui
inoculer le poison, l’y accoutumer

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