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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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déterminée. Je pourrais accepter que tu
constitues un danger pour moi, mais que tu menaces le roi, c’est impossible.
    Je me tournai de nouveau vers l’ optio.
    —  Emmenez tous ceux que vous trouverez dans la
maison, excepté la fille des Sères, que vous laisserez ici. Confiez-les tous au
préfet Liberius, qu’il les répartisse équitablement dans les diverses maisons
de tolérance ayant une licence en règle. Il ne devrait pas répugner à cette
tâche. Cet établissement est dorénavant clos. Mettez une sentinelle en faction
devant sa porte, jour et nuit. Qu’elle y reste définitivement.
    L’ optio salua, puis il disparut avec ses camarades.
    Me tournant alors vers Livia, j’ajoutai :
    — Tu vivras ici en résidence surveillée pour le restant
de tes jours. La fille des Sères sera ton unique servante. Les gardes
veilleront à ce que tu ne manques de rien et prendront en charge tout ce dont
tu auras besoin : vivres, messages et autres. Mais tu ne seras plus jamais
autorisée à sortir et nul ne sera autorisé à entrer ici.
    — Thorn, je te l’ai dit, je préfère la mort à la
prison.
    — C’est nettement plus vivable que le Tullianum, je te
l’assure. J’imagine que tu n’as jamais visité l’intérieur. Je l’ai fait, pour
ma part.
    — S’il te plaît, Thorn. Rends-moi simplement le petit
couteau à fruit et laisse-le-moi quelques instants. En mémoire de ce que nous
avons jadis…
    — C’est loin tout cela, Livia, très loin. Nous ne
sommes plus ce que nous avons été. Regarde à quoi nous ressemblons. Nous sommes
vieux, à présent. Même moi, avec mon goût des voyages, je crois bien
qu’aujourd’hui je parviendrais à m’accommoder d’une telle assignation à résidence,
pour le temps de vie qu’il me reste.
    Elle se voûta légèrement.
    — Je suppose que tu as raison.
    — Et si tu ne pouvais plus l’endurer, Livia… si
l’emprisonnement ou ton âge te pesaient trop… eh bien, tu n’aurais pas besoin
du couteau. Il te suffira d’embrasser ta servante.
    Elle rit et répondit non sans humour :
    — Je n’embrasse jamais les femmes.
    Je songeai un moment à ce qu’elle venait de dire, puis
répliquai :
    — Même moi, tu ne m’as jamais embrassé une seule fois.
    Je la pris alors dans mes bras et collai mes lèvres sur les
siennes. Durant une longue minute, elle accepta simplement le baiser, puis se
mit doucement à me le rendre. Mais l’instant d’après, je la sentis frissonner
légèrement et elle se sépara de moi. Ses yeux scrutaient mon visage, mais son
expression ne montrait rien qui ressemblât à de la colère, de l’offense ou du
déplaisir. Elle traduisait simplement une insondable perplexité, qui finit par
se muer en une lente stupéfaction. Et je m’éloignai, la laissant sur cette
impression.

 
38
    Il fut un temps où je considérais avec amusement la
surabondance de dieux et de déesses du Panthéon païen des Romains. Dans la
Vieille Religion de nos peuples germaniques, il n’existe qu’une déesse des
fleurs, Nerthus, et on la croit en charge, sur cette terre, d’à peu près tout
ce qui peut pousser ou fleurir. Les Romains, eux, ne se contentent pas d’une
seule divinité florale. Ils en ont cinq. Pour eux, une déesse du nom de
Proserpine prend en charge la graine juste éclose, puis c’est Velutia qui aide
la plante à étoffer son feuillage. Nondinus préside à l’éclosion de ses
premiers bourgeons et Flore célèbre sa pleine floraison. Si la plante est
comestible, c’en est une autre encore, Cérès, qui sera responsable de sa
fécondité. Oui, cette exubérance m’a longtemps distrait… l’idée de tant de
déités dédiées à tout ce qui peut pousser. Mais récemment je me suis dit qu’il
en manquait une. Laquelle préside en effet à la période durant laquelle la
plante s’étiole, lorsque ses feuilles jaunissent et que cette beauté qui a
charmé un temps le monde, l’a enrichi de son existence, vient finalement à
mourir ?
    Durant tout l’automne de sa vie, Théodoric était resté aussi
vigoureux et alerte que je l’avais connu, mais je vis son hiver débuter lorsque
la reine Audoflède déclina et mourut. Cette perte cruelle l’affecta à
l’évidence bien plus profondément que celle d’Aurora, sans doute parce que lui
et Audoflède avaient cheminé ensemble vers la vieillesse. J’ai observé que cela
crée entre deux êtres un lien plus solide encore que l’amour, même si ces
deux-là

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