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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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s’étaient indubitablement aimés. Toujours est-il qu’au cours des cinq
années qui se sont écoulées depuis, j’ai vu Théodoric vieillir à toute allure.
Ses cheveux et sa barbe, jadis d’un or radieux ayant viré à l’argent scintillant,
ne sont plus aujourd’hui que d’un blanc cendreux. Certes il se tient toujours
bien droit, mais il est plus frêle qu’auparavant, ses mains tremblent parfois
et il est incapable de se tenir bien longtemps immobile. Ses yeux bleus, qui
naguère viraient en un instant de la joie à une volonté farouche, n’ont pas
perdu leur teinte initiale, comme il arrive à de nombreux vieillards. Mais ils
semblent avoir perdu de leur lumière et de leur profondeur. Ils sont désormais
d’un bleu ardoise plus terne. Sa voix retentit toujours aussi fermement, elle
n’est ni grêle ni chevrotante, mais son discours a parfois tendance à devenir
aussi redondant que la plume de Cassiodore, et il lui arrive de radoter.
    Lorsque Symmaque avait publiquement fait part de son
inquiétude quand le roi lui avait envoyé deux fois le même message, le sénateur
n’avait fait qu’énoncer à haute voix ce que nous tous, membres de sa cour,
avions déjà commencé à remarquer nous-mêmes, n’en laissant rien paraître. La
première fois que cela m’apparut de façon frappante, je me trouvais en son
palais de Ravenne en train de converser avec le roi, lorsque la princesse
Amalasonte arriva sans crier gare en compagnie de son fils, le prince
Athalaric. Je ne sais plus de quoi nous discutions, mais il continua de parler
avec moi comme si de rien n’était, lançant tout juste à sa fille et son
petit-fils un bref regard de ses yeux ardoise, sans leur accorder plus
d’intérêt qu’à des serviteurs venus faire le ménage dans la pièce. Ce n’est que
lorsque le majordome qui les escortait annonça leur nom d’une voix forte et
claire qu’il cilla et remua la tête, leur adressant finalement un blême sourire
d’excuse.
    Avec tout le tact dont je pus faire preuve, je pris alors
poliment congé, aussi n’ai-je jamais su ce qui amenait Amalasonte ce jour-là.
Mais c’était un sujet de conversation favori parmi la domesticité du palais que
le manque absolu de communication entre le père et sa fille, laquelle ne venait
le solliciter que pour lui présenter d’impérieuses requêtes ou l’inonder de
pétulantes complaintes… de même qu’elle n’avait recours à son cher « Oncle
Thorn » que pour lui réclamer un coûteux esclave à un « prix de
nièce ». Ni le mariage, ni la maternité, ni son veuvage précoce n’avaient
réussi à bonifier le caractère de la princesse, qui demeurait plus Xanthippe
que jamais.
    Elle avait malheureusement façonné le jeune Athalaric à son
image. La princesse enfant gâtée était devenue une adulte tout aussi
déséquilibrée, faisant de son pauvre prince de fils un moutard aussi insupportable
qu’il est possible de l’être à cinq ans. Toujours fourré dans les robes de sa
mère, il y passait son temps soit à geindre, soit à pleurnicher. Aussi, ce
jour-là, lorsque Théodoric avait un moment semblé ne faire aucun cas de leur
arrivée, l’idée m’effleura qu’il avait agi ainsi délibérément et ne leur avait
finalement souri de façon contrainte que du fait de ma seule présence.
    Mais évidemment il ne l’avait pas fait exprès. À quelque
temps de là, je me trouvai lors d’une soirée parmi les invités d’une fête
donnée en l’honneur de la visite de quelques nobles Francs. Au cours du repas,
Théodoric régala l’assistance de certaines histoires de notre glorieux passé
militaire, remontant à l’époque où notre armée avait réussi à forcer la
forteresse supposée inviolable de cette fameuse « salle du trésor »
de Siscia.
    — Nous en sommes venus à bout à l’aide de simples
grains de blé, vous rendez-vous compte ? jubila-t-il. Des tubes remplis de
grains de blé que nous avions surnommés nos « trompettes de
Jéricho ». C’était une ingénieuse idée de ce jeune maréchal ici présent,
euh… (il me montrait du doigt, trépignant) le jeune maréchal, euh…
    — Thorn, murmurai-je, quelque peu embarrassé.
    —  Ja, ce jeune Saio Thorn que vous voyez
là.
    Et il continua son histoire, tandis que les invités me
dévisageaient d’un regard étonné, se demandant à l’évidence pourquoi il me
qualifiait de jeune. Il conta la façon dont ces réservoirs de fer-blanc avaient
fonctionné,

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