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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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ainsi que la victoire qui en avait découlé.
    L’assistance rit et bourdonna de contentement à la fin de ce
récit, mais l’un des Francs fit tout de même remarquer :
    — C’est curieux, j’ai pu visiter Siscia assez
récemment, or le bâtiment du trésor semble absolument intact. Et aucun de ses
citoyens ne m’a parlé de cette histoire. Je pense pourtant qu’un événement
aussi mémorable…
    — Oh, il faut croire que les autochtones, pas très
fiers d’eux, sont trop heureux de passer la chose sous silence, intervint Boèce
en riant, avant de s’adresser habilement à un autre convive.
    Aucun membre de la cour de Théodoric n’aurait songé à le
reprendre en public, bien évidemment. Mais je crus être suffisamment intime
avec lui pour lui faire remarquer un peu plus tard, en privé :
    — C’était à Singidunum que nous avons fait usage des
« trompettes de Jéricho ». À Siscia, nous avons creusé sous l’édifice
fortifié à l’un de ses angles, et menacé de le faire basculer. C’est ainsi que
nous avons pu y pénétrer.
    Théodoric eut l’air momentanément troublé.
    — Vraiment ?
    Puis il rebondit d’un ton presque indigné :
    — Et alors ? De quoi te plains-tu ? N’ai-je
pas publiquement rendu grâce à ton ingéniosité ?
    Puis il me frappa l’épaule en gloussant d’un air désinvolte.
    — Allons donc… Il ne faut jamais surcharger une bonne histoire
de trop d’exactitude. Et ça reste tout de même une sacrée bonne histoire, pas
vrai, mon vieux Soas ?
     
    *
     
    — Le maréchal Soas est mort il y a dix ans, fis-je
démoralisé. Théodoric et moi sommes amis depuis bientôt un demi-siècle, et il
lui arrive de plus en plus fréquemment d’oublier mon nom ou de m’appeler par un
autre.
    — D’oublier lequel de tes noms ? badina Livia,
moqueuse.
    — Thorn, évidemment. Il ne m’a jamais connu sous le nom
de Veleda. D’ailleurs bien peu ont été au courant, en dehors de toi.
    — Pourquoi ne pas tout lui dire ?
    Elle sourit avec la même impudence que lorsqu’elle était
jeune.
    — Il est un peu gâteux, d’accord. Mais s’il connaissait
tes deux noms, il aurait plus de chance de se rappeler au moins l’un d’entre
eux.
    Je souris moi aussi, mais tristement.
    — Non, je lui ai toujours caché ce secret, et le
premier de nous deux qui mourra l’emmènera dans sa tombe. Cela dit, je n’ai
plus été Veleda depuis un moment déjà… excepté avec toi.
    C’était vrai. Le fait de m’être débarrassé de ma demeure sur
l’autre rive du Tibre était l’une des raisons, pensais-je, de ces visites que
je faisais désormais de temps à autre à Livia. C’était en effet le seul endroit
où mon entité féminine pouvait encore exister sans contrainte. Elle ne refusait
jamais de m’accueillir ; elle semblait même heureuse de me voir, et pas
seulement du fait que j’étais le seul à pouvoir venir, me semble-t-il.
    Hormis mes propres visites, je n’accordai aucun
assouplissement aux conditions d’emprisonnement de Livia. Elle ne devait pas
quitter la maison ni recevoir quiconque. Ses seuls contacts se limitaient à ses
gardiens et son unique servante. Elles n’avaient du reste aucun langage en
commun et limitaient leur communication aux ordres et aux réponses
élémentaires. La jeune fille des Sères, de toute façon, n’était pas
particulièrement affable de nature. Elle remplissait sa tâche avec efficacité,
mais dans un silence mélancolique aussi immuable que lugubre, qui datait à mon
avis de mon refus de l’avoir utilisée pour la seule fonction qui lui était
destinée.
    Révéler à Livia ma dualité naturelle n’avait pas été
difficile. Je savais, en l’embrassant, qu’elle percevrait au moins pour une
part cette vérité et me doutais qu’elle l’avait sans doute déjà entrevue
naguère. La révélation ne la choqua donc pas ; elle n’en fut ni
scandalisée ni horrifiée et ne s’en moqua nullement. Elle la prit au contraire
avec calme, plus facilement sans doute qu’elle ne l’aurait fait à l’époque où
nous nous étions connus. Heureusement, nous avions passé l’âge où deux êtres de
sexe opposé s’envisagent à travers la notion de désir mutuel ; si nous
avions été plus jeunes, elle aurait peut-être été désappointée, ou en aurait
conçu une sorte d’intérêt pervers pour je ne sais quelle
« expérimentation », mais elle n’aurait sans doute pas réagi avec
cette rassurante

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