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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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esprits. Réalisant l’abominable crime
auquel ils venaient de participer, et ignorant encore que Strabo n’était plus
en mesure de les punir, ils dévalèrent les escaliers d’un air coupable et
s’évanouirent dans les rues alentour. Je les suivis à peu de distance et, ayant
pris le temps de prodiguer à Odwulf le salut goth, je le laissai à mon tour.
    Les rues de la ville étaient noires de monde. Beaucoup
étaient en train de fuir les combats, leurs beaux vêtements de fête souillés de
sang ou réduits en lambeaux. Certains se précipitaient pour se réfugier chez
eux, tandis que d’autres restaient simplement debout, hébétés et muets, ou pleuraient
en chantant une mélopée funèbre. De nombreux soldats en armes couraient, non
pour fuir l’amphithéâtre, mais au contraire pour s’y précipiter, venus en
renfort de leurs camarades à l’intérieur. Dans une telle confusion, une femme
débraillée et couverte de sang passait aisément inaperçue. N’ayant guère besoin
de me forcer pour simuler l’épuisement, je trébuchai et vacillai le long des
murs extérieurs jusqu’à l’entrée que Strabo, le garde et moi avions empruntée
un peu plus tôt.
    De l’autre côté de la rue s’élevait une élégante demeure, à
l’évidence celle d’une famille de haut rang. Je poussai la porte qui n’était
pas fermée, et débouchai dans le vaste vestibule. Je tombai alors sur mon cher
Velox, qui m’avait si longtemps manqué, toujours équipé de sa sous-ventrière et
portant aussi – Dieu sait comment Odwulf les avait retrouvés – ma
selle et ma bride. Velox, en me reconnaissant, hennit de surprise et de
plaisir. Il y avait là un autre cheval, mais Odwulf n’en aurait plus l’usage,
et je décidai de le laisser à sa place. Ce serait une surprise de plus pour les
habitants de la maison, si d’aventure ils devaient y revenir. Sur une table
d’angle étaient empilés avec soin mon casque, mon corselet et un manteau en
peau d’ours. J’étais en train de me demander comment concilier ces vêtements
masculins avec les habits de femme que je portais, quand je remarquai un visage
apeuré qui m’épiait furtivement dans l’embrasure d’une porte intérieure.
    Me comportant en maître des lieux, je lui fis impérieusement
signe d’avancer, et il approcha en traînant des pieds. C’était un vieux
serviteur, à qui l’on avait sans doute demandé de garder la maison pendant que
les membres de la famille se rendaient au spectacle. Il avait dû avoir un choc
quand Odwulf était venu attacher deux chevaux dans le vestibule, mais il fut
sans doute encore plus abasourdi de voir une jeune Amazone lui ordonner d’ôter
sa tunique, ses chausses et ses sandales de cuir. Voyant que je tenais une épée
nue encore maculée de sang, il ne fit aucun commentaire et se hâta d’obéir.
Puis il se mit à frissonner, de froid ou peut-être de peur, lorsque je saisis
ses vêtements.
    Pour éviter de choquer davantage le vieillard, je me
dissimulai entre les deux chevaux, le temps de me débarrasser de mes vêtements
de dessus. J’enfouis dans les sacs de selle de Velox ma chaîne en or et mon
providentiel ornement de poitrine en serpentins de bronze. La tunique et les
chausses du vieux domestique m’allèrent à peu près ; ses chaussures,
elles, étaient bien trop grandes pour moi, mais je n’aurais pas à marcher
beaucoup ; elles me serviraient surtout à me maintenir sur mon cheval. Dès
que je fus décemment accoutré, j’ordonnai au vieux serviteur de m’aider à
endosser mon corselet. Puis j’enfilai mon casque et jetai la peau d’ours sur
mes épaules. Démuni de ceinture d’épée, j’attachai une lanière à la garde de
mon arme de substitution et la pendis au troussequin de ma selle. Je lançai ma
robe pleine de sang au valet, au cas où il n’ait rien d’autre pour couvrir ses
membres décharnés et tremblants. Je conduisis Velox jusqu’à la porte donnant
sur la rue, et guettai par l’entrebâillement le moment où je n’apercevrais plus
aucun soldat. Je me retournai alors et dis :
    — Pour l’autre cheval, vieil homme, dis à tes maîtres
qu’il s’agit d’un cadeau de Thiudareikhs Triarius.
    Puis je fis sortir Velox, me hissai en selle et partis en
direction de l’ouest au petit galop, me dirigeant vers l’intérieur des terres.
    Dans la cité toujours en proie à la plus atroce confusion,
il n’y avait pas de raison qu’un cavalier ostrogoth vêtu en habit

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