Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
Vom Netzwerk:
spectateurs
levèrent devant eux leurs bras qui, sectionnés, volèrent dans les airs.
Suivirent des doigts, des mains, des oreilles, des nez, quand ce n’étaient des
têtes entières – surtout celles d’enfants, plus faciles à trancher –
et quantité de morceaux de chair moins aisément reconnaissables, projetant tout
autour des gouttelettes, des gerbes, des jaillissements, des jets et des
éclaboussures d’un sang éclatant et vermeil.
    Le bruit se mua alors en une assourdissante cacophonie. Les
Hérules, riant et poussant des cris de déments, taillaient et frappaient en
aveugle tout ce qui se présentait devant eux. Certaines victimes hurlaient,
d’autres râlaient indistinctement dans le sang bouillonnant qui s’échappait de
leurs entrailles, tandis que ceux encore indemnes beuglaient, bêlaient, se
piétinaient les uns les autres, tentant à toute force de se hisser plus haut,
poursuivis impitoyablement d’un côté par les Bleus, de l’autre par les Verts,
qui se frayaient un passage à coups d’épée. Un grand nombre de soldats de Strabo,
postés dans les allées et les escaliers, luttaient pour s’approcher des
assaillants. Mais gênés dans leur avance ou repoussés en arrière, ils furent
bientôt balayés par le déferlement de la foule qu’ils tentaient de défendre.
Pendant ce temps, d’autres gardes, ceux-là mêmes qui avaient conduit les
Hérules dans l’arène, auraient pu les aider, mais inutiles et désœuvrés, ils
demeuraient sous l’amphithéâtre, à l’abri des portes refermées et verrouillées
derrière eux. Ils avaient bien entendu le vacarme grondant au-dessus de leurs
têtes, mais l’avaient pris pour le bruit du combat des Bleus contre les Verts
s’attaquant sans pitié.
    Avant même que Strabo eût pleinement saisi lui-même la
tournure que prenaient les événements, mon garde personnel, sortant de sa
léthargique stupéfaction, passa son bras gauche au-dessus de son ventre pour
saisir son épée. Mais au même instant, de ma main menottée, tirant sèchement
dans le sens opposé, je parvins à paralyser son geste. M’arc-boutant de toutes
mes forces en tirant la chaîne de côté, je distendis son bras à le faire
craquer. Surgie en un éclair, la lame-serpent d’Odwulf sectionna net
l’avant-bras de mon garde, un peu au-dessus du bracelet. Je l’ai dit, du fait
de l’embonpoint de l’homme, l’anneau de métal se trouvait enfoncé dans la chair
de son poignet. Je me trouvai donc encombré non seulement de deux menottes
reliées à mon bras par une chaîne, mais du poids de sa lourde main sanglante,
agitée de tics convulsifs. Il me faut cependant souligner ici son courage. Bien
que grièvement blessé, il réussit, je ne sais comment, à dégainer de la main
droite son épée, et à lutter désespérément contre les coups répétés que lui
assenait Odwulf.
    Strabo, qui avait bondi sur ses pieds, rugit :
    — C’était donc ton œuvre, hein ? Foutue petite
traînée…
    Il était muni d’une épée, lui aussi, et l’abattit sur moi.
En toute logique, j’eusse dû périr là, en cet instant précis. Mais opposé à une
femme désarmée, il avait négligé de se mettre en position, de viser avec soin
et de prendre de l’élan. Son épée ne fit que frapper et ricocher sur le
serpentin de bronze qui couvrait ma poitrine. Le coup fut néanmoins si
douloureux qu’il me coupa le souffle et me fit vaciller en arrière. Mais avant
que Strabo se fut remis en position pour me frapper à nouveau, mortellement
cette fois, Odwulf avait renversé le garde, et son épée cingla l’air à nouveau,
envoyant Strabo rouler à nos pieds. Étrangement toutefois, celui-ci ne saignait
pas, je pus m’en rendre compte malgré mon vertige.
    — Je l’ai juste frappé… du plat de mon épée…, expliqua
Odwulf, hors d’haleine. Vous n’aviez pas dit… si vous vouliez qu’il meure… tout
de suite.
    — Tu as… fort bien fait…, ahanai-je, luttant pour
reprendre ma respiration, tout en balayant l’amphithéâtre du regard.
    Les gardes enfermés sous l’arène, ayant finalement réalisé
ce qui se passait, avaient quitté leur antre et escaladaient les murs à la
poursuite des Hérules. Partout, de chaque côté de l’amphithéâtre, des corps
gisaient, certains déjà inertes, d’autres encore agités de spasmes, au milieu
de tronçons amputés, certains étendus à l’endroit même où ils étaient tombés,
d’autres en train de basculer lentement

Weitere Kostenlose Bücher