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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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d’une seule
voix : « Malédiction ! », affirmant que Dieu et tous ses
congénères appelaient sur le monde les pires calamités.
    Et il est vrai que nombre d’événements malheureux se
produisirent cette année-là, mais plutôt que la main divine, je n’y vis rien
d’autre pour ma part que les conséquences d’agissements humains. Par exemple,
en cheville avec l’Église, Justinien et sa concubine Théodora réussirent à
faire passer une loi dite de « glorieuse repentance » leur permettant
de se marier. Puis, ayant mis au net ses affaires personnelles, l’empereur
s’empressa de vouloir mettre en ordre celles du reste du monde, qu’il entreprit
de régenter suivant les préceptes établis par l’Église. Les édits proclamés
étaient encore, comme il se doit, officiellement issus de l’empereur Justin,
mais chacun de leurs termes avait été pesé, étudié et choisi par Justinien.
Lorsqu’il décréta par exemple qu’aucun païen, hérétique ou incroyant ne serait
plus désormais autorisé à exercer un emploi dans l’Empire d’Orient, il ajouta
ces mots : « Tous doivent désormais savoir que ceux qui n’honorent
pas correctement le vrai Dieu, non seulement la survie de l’âme leur sera
refusée, mais aussi la possession du moindre bien matériel en cette vie. »
    Cet ordre ne s’appliquait pas, ou pas encore, au-delà du
territoire de la province de Pannonie, mais Théodoric, on peut le comprendre,
le considéra avec une crainte respectueuse. Aux termes du vieux pacte signé
naguère par l’empereur Zénon, il était toujours en effet, administrativement du
moins, le « député et vicaire » de l’empereur d’Orient. Et s’il
prenait l’envie à Justin d’étendre cet odieux décret aux habitants du domaine
de Théodoric, il lui faudrait alors ou bien s’y soumettre, ou entrer en
rébellion ouverte contre son suzerain en titre. Théodoric et ses sujets ariens
n’étaient pas les seuls à en être troublés d’avance. Les chrétiens d’Occident
et les sénateurs de Rome le furent bien davantage encore. Après tout, depuis
déjà presque deux siècles, ces derniers se considéraient comme garants de ce
qui avait pu subsister de l’ancien Empire d’Occident, et une sourde rivalité
d’autorité et d’influence avait depuis lors opposé les deux moitiés de cette
entité naguère glorieuse.
    L’Église de Rome était alors entrée en concurrence frontale
avec celle de Constantinople. On aurait pu supposer que cet édit impérial
comblerait d’aise tout catholique dévoué : n’était-il pas mortel et
nuisible pour tous les Juifs, païens et hérétiques en ce monde ? Cela
aurait été oublier que le patriarche de Rome n’aspirait depuis toujours qu’à
une seule chose : être reconnu partout comme le chef suprême de toute la
chrétienté, le primus inter pares [148] et
souverain pontife, le pape incontesté, en somme. Or quasiment au moment où fut
promulgué cet édit de Justin, le pape de Rome Hormisdas vint à mourir et fut
remplacé par le pape Jean, premier du nom. On imagine que celui-ci supporta mal
d’accéder d’emblée à une fonction minimisée, voire éclipsée par cet ordre venu
de Constantinople. L’édit de l’empereur Justin venait en effet de donner un
éclat considérable au pouvoir et au prestige de son propre patriarche, celui de
Constantinople, un certain Épiphane. Jean ne comptait évidemment pas sur une
aide quelconque émanant de Théodoric, et cela rajouta pour lui et ses sicaires
un grief à son égard. Mais ils n’étaient en vérité que ses ennemis les plus
hostiles. Car s’il est une chose qui unissait contre Théodoric tous les
chrétiens adeptes de la thèse d’Anastase (orthodoxes de l’Empire d’Orient, mais
aussi catholiques d’Afrique, de Gaule et du royaume des Goths), c’était leur
détermination à mettre fin à cette abominable tolérance des ariens, et de
Théodoric, à l’égard des Juifs, hérétiques, païens et tout ce qui n’était pas
chrétien.
    Ces nuages noirs s’amassant à l’horizon de notre royaume des
Goths n’étaient pas encore les plus menaçants. D’autres, bien pires, flottaient
en effet déjà sur nos têtes. Nous autres, les proches de Théodoric, étions
depuis un moment inquiets que l’un de ses éclats irrationnels vînt compromettre
de façon désastreuse les fières réalisations de son règne. Mais quand bien même
ce dernier fut-il demeuré au zénith de ses

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