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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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cet
hérétique de Théodoric soit un jour renversé, afin que l’on puisse ensuite
convertir et pressurer à satiété ses tout aussi hérétiques sujets.
    Les motifs d’inquiétude et de vexation ne manquaient donc
pas à notre roi. Ils auraient été assez graves pour requérir toute l’attention
d’un César ou d’un Alexandre, et nul doute que sans ces démons qui assaillaient
de plus en plus souvent son esprit, Théodoric y eût mis toute sa force et sa
volonté. Mais ces faiblesses parasitaient son action et le poussaient à
négliger les véritables menaces extérieures pour combattre d’imaginaires
dangers à portée de sa main.
    Contrairement aux serviteurs du palais, les hauts membres de
sa cour pouvaient difficilement échapper à ses colères et ses éventuels
châtiments. Tous, de Boèce à Cassiodore père et fils, les autres maréchaux et
moi compris, étions continuellement accusés par Théodoric d’avoir mal compris
ses ordres, mal lu ses décrets ou mal interprété ses intentions. Un peu par
élémentaire souci de prudence personnelle mais surtout par amitié et pitié pour
notre roi, nous faisions de notre mieux pour ignorer ses défaillances et autres
écarts de conduite, tentant de parer avec sang-froid aux dommages qu’ils
pouvaient entraîner. Mais il arriva que ces faits apparaissent si évidents que
Théodoric lui-même ne pouvait plus les nier. Je pense en fait que cela rajouta
encore à ses malheurs, car il dut alors éprouver la terreur de perdre
réellement l’esprit. Et il en vint, même dans ses instants de lucidité, à
essayer de se convaincre que la situation n’était pas si grave, niant farouchement
les dommages dont il se rendait responsable.
    J’étais présent un jour, lorsqu’une de ses entreprises sans
grand enjeu ayant échoué par sa seule faute, il s’en prit à Boèce, l’accusant
de cet échec avec la même violence qu’eût mis Amalasonte à humilier l’un de ses
esclaves. Boèce endura cette injustice avec dignité, sans protestation ni
remarque de dépit ou regard blessé et sortit de la pièce l’air abattu. Tablant
sur l’intimité que me permettait notre vieille amitié, je déclarai sans ambages
à Théodoric :
    — Ta réaction est injuste, injustifiée et indigne de
toi.
    — La sottise mérite le blâme ! gronda-t-il,
féroce.
    J’eus le front de répliquer :
    — Il y a plus de vingt ans, c’est toi qui as choisi cet
homme pour être ton magister officiorum. Veux-tu dire par là que tu
aurais fait preuve de sottise ?
    —  Vái ! S’il n’est coupable de sottise,
peut-être l’est-il de perfidie. Qui me dit qu’il n’a pas décidé, fort de sa
longévité à ce ministère, de cultiver en secret d’insidieuses ambitions ?
As-tu oublié son étrange prudence, lorsque je souhaitais châtier Sigismond, ce
meurtrier ?
    — Allons, allons, Théodoric. Comme l’affirme un vieux
dicton, la main droite, qui est la plus forte, inflige le châtiment. La main
gauche, plus lente et souple, est chargée de faire preuve de justice, de
mansuétude et de tolérance. Tu as fait de Boèce ta main gauche, il est là pour
tempérer ton impulsivité, t’empêcher d’agir imprudemment…
    — N’empêche, grommela-t-il, je me suis posé pas mal de
questions depuis cet épisode. Ne jouerait-il pas double jeu au service de
quelque puissance étrangère ?
    —  Akh ! fis-je. Vieil ami, qu’as-tu fait de
ta propension à la confiance et la bienveillance naturelle ? Qu’est devenu
ton discernement, où est passée ta compréhension d’autrui ? Te souviens-tu
de m’avoir révélé que chaque homme était au centre de son univers ?
    — J’essaie toujours de voir les hommes ainsi, fit-il,
le regard sombre. Mais j’en vois qui ne songent qu’à étendre leur univers… à ne
faire qu’une bouchée des autres. Or je tiens avant tout à préserver le mien.
     
    *
     
    — Théodoric a toujours été d’un naturel impétueux,
expliquai-je à Livia. J’en veux pour preuve la façon dont il a occis Camundus,
Recitach et Odoacre et les fâcheuses conséquences qui ont découlé de ces
gestes. C’est maintenant son caractère tout entier qui est en train de changer.
Il a pratiquement perdu tout entrain : soupçonneux, sur ses gardes, il
doute et s’inquiète de tout. Cela me désole de le voir englué dans ses crises
de découragement, mais s’il se laissait aller à l’un de ses gestes de
véhémence, qui sait quelle folie il

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