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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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pas tout dit, Théodoric… Aurora ne rougit
même plus ! Raconte à Widamer comment elle rougissait à tout bout de
champ ! Vái ! Elle en devenait presque aussi foncée que la
marque de naissance qui brunit le svans de Widamer !
    Le rugissement de bonne humeur s’éteignit instantanément, et
une lourde chape de silence s’abattit sur la pièce, seulement troublée par
l’exclamation éberluée d’une voix féminine, ici ou là. Comme si ma révélation
d’un tel secret intime n’était pas suffisamment déplacée, j’avais employé le
mot svans, dont l’usage est proscrit en société. Un certain nombre de
dames dans l’assistance rougirent alors effectivement jusqu’aux oreilles –
ainsi d’ailleurs que Widamer – et tout le monde dans la pièce tourna un
regard effaré vers moi. Nul doute que ce silence aurait été, l’instant d’après,
rompu par une volée de remarques pour savoir si je plaisantais, et dans ce cas,
ce que j’avais voulu dire par là… Mais prenant tardivement conscience de mon
incroyable indiscrétion, je simulai un brutal malaise éthylique et glissai de
ma couche, m’effondrant inerte sur le sol de marbre. Ce nouvel événement fut
salué de nouveaux gloussements féminins, et de méprisants grognements masculins
tels que : Dumbs-munths ! [22] Je restai
affalé où j’étais, les yeux clos, et fus immensément soulagé d’entendre
Théodoric reprendre son récit à l’endroit précis où il l’avait laissé, sans que
quiconque s’attardât à commenter ma sortie de malotru.
    Mais je ne pouvais pas rester allongé là indéfiniment.
Heureusement, le maréchal Soas et le médecin Frithila se portèrent à mon
secours, sans cacher cependant leurs reniflements désapprobateurs. Ils
versèrent de l’eau froide sur ma tête et dans ma gorge, et plutôt que de
m’étrangler, je feignis de revenir à un semblant de conscience encore confuse.
Je les remerciai en marmonnant d’une voix pâteuse, et les laissai me porter
jusqu’à un recoin à l’écart de la salle, où ils me déposèrent sur un banc,
appuyé le dos contre un mur. Quand ils m’eurent laissé sur place, la jolie cosmeta Swanilda revint tapoter ma tête mouillée en me murmurant des mots de réconfort,
et je lui soufflai en retour de vagues paroles d’excuses pour ma stupidité.
    Bientôt les invités commencèrent à se disperser, et Swanilda
me laissa seul. J’envisageai alors de quitter la pièce, en titubant le plus
discrètement possible, quand la silhouette de Widamer se dressa devant moi,
jambes écartées, mains sur les hanches. Il me demanda, assez bas pour ne pas
être entendu mais avec une froideur suffisamment déterminée pour que je ne
puisse l’ignorer :
    — Comment avez-vous su, pour la marque de
naissance ?
    Je souris d’un air aussi niais que possible et lui répondis,
fourchant à dessein sur les mots :
    — Il est édivent… euh, évident, je veux dire, que nous
avons dû entrer et sortir du même lit encore chaud.
    — Vraiment…, affirma-t-il, sans paraître en faire une
question.
    Il me passa une main sous le menton et releva mon visage
chancelant pour l’examiner de plus près. D’un ton qui n’appelait pas plus de
réponse, il ajouta alors :
    — Ce qui aurait été vraiment chaud, je pense, c’est que
vous trouviez le temps de vous glisser dans ce lit entre le moment où je l’ai
quitté et celui auquel vous êtes arrivé à ce convivium.
    Incapable de répliquer quoi que ce soit, je le gratifiai
d’un nouveau sourire extasié. Soutenant mon menton, il continua d’étudier
soigneusement ma physionomie, et finit par lâcher à voix basse :
    — Sois tranquille. Jaser n’est pas mon genre. Mais je
vais y songer… et je saurai m’en souvenir…
    Puis il quitta la pièce, et je ne tardai pas à en faire
autant.
     
    *
     
    J’aurais incliné à me tenir éloigné du palais un certain
temps après cette soirée, assez du moins pour que soit oubliée mon atroce
performance de dumbs-munths. Mais j’étais anxieux de savoir si je
n’étais pas définitivement tombé en disgrâce aux yeux de Théodoric, d’Aurora et
des autres membres de la cour. Je craignais encore plus d’apprendre que Widamer
se soit plaint avec vigueur de mon manque de courtoisie envers un émissaire
étranger. Aussi, en dépit de mes appréhensions et d’un épouvantable mal de
tête, je me présentai au palais tôt le lendemain.
    Mes craintes furent grandement soulagées

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