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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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à cet endroit-là. Nous cheminerions
ainsi vers les régions septentrionales dans une agréable vallée boisée, nous
reposant la vue sur un paysage verdoyant, avec assez de gibier dans les forêts
pour assurer notre subsistance.
    Je remarquai que Lombric, dépourvu de toute adresse
équestre, chevauchait avec la grâce d’un vulgaire sac d’os et ne parvenait même
pas à faire adopter à sa monture une allure régulière. Il s’ingéniait toujours
à cheminer du côté opposé à Thor, séparé de lui par mon cheval. Cette répulsion
évidente à l’égard de notre compagnon de voyage m’amena à m’interroger sur la
véritable personnalité de Thor, dont je savais à la vérité bien peu de choses.
    Et le peu que je savais n’était guère recommandable. Il
s’agissait d’un impudent roturier d’un égoïsme rare, assez effronté pour se
vanter de son ignorance, et présomptueux au point de s’attribuer le nom d’un
dieu. Il reconnaissait être voleur, dénué de la plus élémentaire décence, sans
aucun respect pour l’autorité, les coutumes ou les lois, et méprisant la propriété
des autres, tout autant que leurs droits et leurs sentiments. Si son physique
avenant lui permettait de lier amitié avec n’importe quel étranger, sa rudesse
avait dans le même temps de quoi rebuter toute intention amicale. Car il me
fallut bien l’admettre, au fil du temps : nul ne semblait aimer ce
personnage. Et moi ? Aimais-je vraiment ce… Thor ?
    Comme s’il m’avait entendu prononcer son nom à voix haute,
celui-ci prit la parole, sur le ton de la conversation :
    — Au cours de ce voyage, le caractère divin du nom que
j’ai choisi s’est révélé fort utile. Jamais je n’ai été assailli par des
voleurs, ni harcelé par des brigands, ni même escroqué par le tenancier d’un gasts-razn. C’est dû sans doute à la terreur qu’inspire mon nom, avant même qu’on sache
qui je suis. Comme je te l’ai dit, je m’efforce de tirer parti de tout.
Peut-être serait-il donc judicieux, Thorn, d’envoyer Lombric en avant-garde
claironner partout que Thor approche ! Cela pourrait nous éviter de
fâcheuses rencontres.
    Je déclinai la suggestion.
    — J’ai beaucoup voyagé et traversé une bonne partie du
continent sans avoir besoin d’un tel sauf-conduit. Nous nous en passerons,
Thor, et nous éviterons ainsi à Lombric l’humiliation de passer pour notre
esclave.
    Thor renifla bruyamment et sembla vexé, mais il ne chercha
pas à avoir gain de cause, et je retombai dans mes méditations.
    La personnalité de mon alter ego était peu engageante
aux yeux de tous, moi compris. Il me fallut admettre malgré tout que même si
son personnage m’avait radicalement rebuté, je n’aurais pas pour autant mis fin
à notre association. Et ma motivation intime, en l’occurrence, ne plaidait
guère en ma faveur. Comme l’ivrogne ou le vieil ermite Galindo, qui tout en ne
professant aucune affection pour le vin bon marché ou l’herbe vulgaire, en
chérissent cependant les effets, je ne pouvais, pas plus qu’ils n’auraient pu
se séparer de l’outre ou de la fumée, me passer de Thor. Sa beauté était
factice, certes ; sa moralité, plus que douteuse assurément. Mais j’étais
devenu l’esclave de mon désir, et des gratifications que Thor était seul au
monde capable de me procurer. Dans ces moments-là, c’est vrai, j’en venais
presque à regretter de ne pas avoir envoyé Lombric caracoler à notre
avant-garde, car chaque nuit de plaisir perdue avec Thor me faisait pester.
Mais je ne voulais pas que Lombric nous remarque ou nous entende.
    Je me rendis vite compte que Thor n’était en rien inhibé par
ce genre de considérations.
    —  Vái ! fit-il avec dédain au campement quand
je lui eus fait part de mes précautions, laissons le rustre se scandaliser,
qu’est-ce que ça peut faire ? Ce n’est qu’un Arménien, après tout.
Personnellement, il serait évêque que je n’en différerais pas pour autant mon
plaisir.
    — Toi peut-être, marmonnai-je. En ce qui me concerne,
je préfère sauvegarder mon intimité. Les Arméniens ont la langue bien pendue,
tu dois le savoir.
    — En ce cas, laisse-moi être le premier à tomber le
masque, au moins partiellement. Pendant que Lombric s’affaire autour des chevaux,
là-bas, je vais revêtir mes habits de Geneviève, et les conserverai tant qu’il
sera avec nous. Nous pourrons lui raconter que pour de hautes raisons

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