Thorn le prédateur
tu es, je reviendrai…
un peu plus tard, cette fois… te remercier comme il convient de ton cadeau.
Et il s’éloigna vers l’extrémité du bâtiment.
Je n’attendis point ; je le suivis de près. J’avais
trop précisément calculé mon coup pour perdre une seconde. Dès que Jaerius eut
gagné l’ exedrium, et que je vis qu’après un bref intervalle, la porte ne
se rouvrait pas, je trottinai jusqu’à l’ apodyterium et, heureux d’avoir
nettoyé un peu de ma sueur à la vapeur, renfilai hâtivement mes vêtements.
Courant toujours comme un fou, je me précipitai dans ma chambre du deversorium, changeai de tenue et me métamorphosai en Juhiza. Sans prendre le temps de
me maquiller et de me parer de bijoux, je revins à toute allure aux thermes que
je venais de quitter.
Comme convenu, Petit Singe m’attendait dans la rue toute
proche, détaillant d’un œil placide les promeneurs de passage. Beaucoup d’entre
eux ralentissaient pour la regarder d’un air curieux, car même s’il arrivait de
temps à autre qu’un convoi de marchandises ramenât des filles noires, cela
restait malgré tout chose rare. Surtout d’aussi jolies. Quand je la pris par le
bras, Petit Singe se cabra ; j’étais une femme, et une étrangère. Mais
aussitôt, elle reconnut son nouveau maître et me sourit, même si elle me sembla
pour le moins troublée par mon comportement extrêmement curieux. Je fis des
gestes interrogatifs en direction des thermes, et son sourire s’agrandit, puis
elle secoua vigoureusement la tête.
Je l’emmenai donc au petit trot jusqu’aux thermes pour
dames, où il était en revanche parfaitement naturel pour une femme comme il
faut d’arriver en compagnie d’une esclave, fut-ce une Noire. Petit Singe et moi
nous dévêtîmes dans l ’apodyterium, et parcourûmes ensemble les pièces.
Il s’était écoulé pas mal de temps à présent, et Robeya, logiquement, se
trouvait dans la toute dernière, le balineum, en train de faire la
planche dans la chaude piscine d’après-bain, aussi abandonnée et langoureuse
que lorsque je l’avais aperçue la première fois. Il était cependant évident, là
aussi, qu’elle était tenue à l’écart par les autres femmes, car alors que
celles-ci s’étaient gaiement rassemblées à l’autre extrémité, Robeya demeurait
isolée à un bout du bassin, celui-là même où elle avait suggéré que nous
allions folâtrer.
Prenant garde de ne pas me laisser voir, je la montrai du
doigt à petit Singe, et de nouveau, lui transmis par gestes mes instructions.
Elle allait nager vers Robeya, de la manière la plus excitante qu’elle
pourrait, et se plier à tout ce qu’elle lui proposerait. Après quoi, ayant mis
à l’épreuve ses talents, elle foncerait jusqu’à l’ apodyterium, se
rhabillerait à toute vitesse, se ruerait hors des thermes, et cette fois je
l’attendrais dehors. Petit Singe fit oui de la tête, puis plongea gracieusement
dans l’eau du bassin, tandis que je retournais me rhabiller en Juhiza pour la
dernière fois.
Je restai dehors à battre le pavé avec impatience, trouvant
le temps horriblement long. En réalité, cela ne prit pas plus de temps que pour
Jaerius. J’entendis, à l’intérieur des thermes, de l’agitation, cris de femmes,
pas précipités, enfants en larmes, serviteurs poussant des hurlements, et au
bout d’une minute ou deux, je vis Petit Singe sortir précipitamment par la
porte, rajustant ses vêtements. Avant même que je l’eusse questionnée, la jeune
fille me sourit de ses éclatantes dents blanches et hocha la tête.
Sur ces entrefaites je la menai, cette fois beaucoup plus
tranquillement, vers notre destination finale, dans le plus pauvre quartier
résidentiel des faubourgs de la ville. Gudinand m’avait une fois montré sa
maison, mais il ne m’avait jamais invité à y entrer, sans doute honteux du
miteux et du sordide de cette hutte. J’indiquai à Petit Singe qu’elle devait y
pénétrer, et lui glissai ma bourse pour qu’elle la prenne avec elle. Après
quoi, avec une certaine précaution, je déposai un baiser de remerciement sur ce
front d’ébène et lui ayant dit au revoir, attendis qu’elle soit entrée.
La bourse que je lui avais donnée contenait les dernières
pièces que j’avais pu sauver dans ce but, ainsi que le certificat
d’appartenance de Petit Singe contresigné par mes soins et une note que j’avais
rédigée dans la Vieille Langue, en caractères gotiques :
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