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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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viandes nombreuses, de bières fortes et de desserts délicats,
et chacun peut y choisir le dieu et la croyance qui lui conviennent. Ne, nous
nous en contentons fort bien, et n’avons pas besoin de prêtres pour nous dicter
notre conduite. Et dès que nous avons besoin d’un conseil ou d’un avis de la
part de nos dieux, notre frodei-qithans le devine pour nous.
    Un frodei-qithans est une sorte de devin, un diseur
de bonne aventure, mais celui de cette nation baiuvarja aurait mérité le nom
latin de sternutospex, car ses divinations reposaient sur une méthode
franchement peu orthodoxe : l’interprétation des éternuements. Dès que Sa
Majesté Ediulf avait réuni le conseil des Anciens de la nation, il s’asseyait
en cercle avec eux, et le vieux devin, Winguric, venait les rejoindre. Si le
conseil réclamait l’avis des dieux sur quelque décision qu’il avait à prendre
ou craignait qu’un plan proposé ne leur déplaise, les Anciens en référaient
alors à Winguric. Celui-ci faisait le tour du cercle, soufflant à la face de
chacun (roi compris) un peu de pollen de fleurs réuni dans la paume de sa main.
Il revenait ensuite s’asseoir, et se concentrait sur le nombre, la fréquence et
l’intensité des éternuements qui en résultaient. Quand tous les présents, après
avoir dûment formulé leurs « atchoum », s’essuyaient les yeux et se
mouchaient, une narine pincée, en soufflant vigoureusement au sol ou sur le
revers de leur tunique, Winguric délivrait son interprétation sur les opinions,
admonitions ou objections des dieux concernant la question en suspens. Cela
pouvait ou non influencer les décisions du conseil, mais cela avait toujours un
certain poids, et méritait d’être pris en considération avant qu’une décision
ne soit adoptée.
    Comme Wyrd et moi nous préparions à quitter les Baiuvarjas
afin de continuer notre route vers l’est, le vieux devin se porta volontaire
pour nous annoncer la bonne fortune qui nous attendait en chemin. Si Wyrd
accepta du bout des lèvres la proposition, en grognant d’un air revêche, je
manifestai pour ma part un véritable enthousiasme à cette idée, personne
n’ayant jamais encore interprété mes éternuements. Nous prîmes place face à
Winguric, il nous souffla son pollen dessus et de fait, nous éternuâmes. Il eût
été difficile de s’en empêcher. Mais il me parut évident, ainsi qu’au devin,
qui fronça les sourcils d’un air désapprobateur, que Wyrd, sans doute pour
exprimer ainsi sa contrariété, exagérait et prolongeait à plaisir ses spasmes
retentissants.
    Quand il en eut finalement terminé, et que se pinçant une
narine, puis l’autre, il vida son nez sur le sol avant d’essuyer une certaine
quantité de morve répandue dans sa barbe, le vieux Winguric nous lança à chacun
un regard noir et nous dit d’un ton venimeux :
    — Les mécréants ne sauraient égarer les dieux par leurs
simulations.
    —  Akh, mais de qui parlez-vous donc ? fit
Wyrd, d’un ton d’innocence moqueuse. Pensez-vous que j’oserais tenter de flouer
les pouvoirs de… ?
    — Toi, cracha Winguric en pointant sur lui un doigt
osseux, tu seras tué par un ami. Ainsi ont parlé les dieux, et j’en dis autant.
    Il y avait là de quoi ébranler même un cynique comme Wyrd.
Cela me stupéfia. Mais avant même que lui ou moi ayons pu dire un mot, le devin
tourna son doigt dans ma direction.
    — Toi, cracha-t-il de nouveau, tu tueras un ami. Ainsi
ont dit les dieux, et je le confirme par leur voix.
    Sur quoi il se leva dans un craquement d’articulations, et sans
nous accorder un seul regard, s’éloigna.
    J’étais incapable d’articuler un mot, mais je vis que Wyrd
chantonnait sereinement dans sa barbe, affairé à rassembler nos bagages et à
les attacher à nos traîneaux. Et tandis que nous menions nos chevaux vers la
sortie du campement, il agita la main en direction du roi Ediulf et des autres
Baiuvarjas qui nous regardaient partir et leur cria : huarbodáu mith
gawaírthja. Je ne pus parler qu’une fois que nous nous fûmes éloignés à une
certaine distance, et ma voix ne réussit à se faire entendre qu’altérée par un
léger tremblement :
    — Si… si le frodei-qithans dit vrai , fráuja, il
semblerait presque que ce soit comme si… comme si je devais un jour vous tuer.
    — Mais je t’en prie, essaie donc, fit-il,
pince-sans-rire.
    — Vous n’accordez pas foi en ces prédictions ?
    — Par saint Jérôme,

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