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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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à la taverne que pour dîner, me coucher et déjeuner le matin, avant de
ressortir. Nous prenions souvent nos repas de midi avec Livia dans une autre
taverne, et nous fûmes reçus en une occasion par son père, dans sa vaste
maison. En fait, nous étions très souvent assez loin dans la campagne
environnante lorsque la faim nous prenait, et nous trouvions toujours le moyen
de convaincre, contre une petite somme, la femme d’un bûcheron, d’un
charbonnier ou d’un chercheur de simples de nous servir un repas frugal.
    Un matin, Livia et moi avions décidé de passer la journée à
explorer une zone qu’elle prétendait totalement inhabitée, et je me rendis à la
cuisine de la taverne pour demander à la vieille femme du caupo si elle
pouvait nous préparer un quignon de pain avec du fromage et de la saucisse, et
remplir ma gourde de lait. Pendant que j’attendais, Andréas fit irruption et
m’attira à part, soucieux, pour me déclarer :
    —  Akh, Thorn, je suis inquiet au sujet de ton
ami Wyrd. Il est venu me voir souvent, et jamais je ne l’avais vu dans cet
état. Maintenant, il refuse même de manger. Il n’absorbe que du vin et de la
bière. Il dit qu’il a l’esprit trop dérangé pour pouvoir avaler de la
nourriture. Tu y comprends quelque chose, toi ? Ne pourrais-tu le
persuader de sortir, histoire de retrouver un peu de vigueur au sein des
forêts, autour du lac, enfin… quelque part ?
    — J’ai déjà essayé, fis-je. Et je peux difficilement
lui ordonner de sortir. Il serait si fâché qu’un jeunot lui dicte sa conduite
qu’il replongerait de plus belle dans la boisson. Mais toi, tu es de son âge,
Andréas. Imaginons que tu lui dises simplement que pour son bien, tu ne veux
rien lui servir de plus.
    —  Vái ! Dans ce cas, il n’aurait carrément
plus rien dans le ventre.
    — Désolé, je crains de ne pouvoir t’aider. Cependant,
sache que j’ai déjà vu Wyrd boire davantage encore. Ça va l’envoyer au lit
malade comme un chien, bourrelé de remords et d’une intolérable mauvaise
humeur, mais ça finira, c’est certain.
    Presque chaque jour, j’allais chercher à l’écurie mon Velox
et montais à la mine. Là-bas, ou bien je le laissais dans l’enclos avec les
mules de la mine, et Livia et moi partions à pied, ou, lorsque nous allions
loin, nous montions ensemble, elle perchée sur une selle derrière moi. Je
prenais toujours ma fronde, à laquelle je tentai d’initier Livia. Mais elle ne
devint jamais experte à la faire tournoyer, aussi est-ce moi qui abattais tout
le petit gibier – lièvres, écureuils, lapins ou perdrix – que nous
ramenions avant de nous le partager. Elle offrait sa part au cuisinier de la
famille, j’amenais la mienne à l’auberge, où Andréas, sa femme et moi trouvions
avec cette viande l’occasion de varier un peu des habituels plats de poisson.
Mais même ces viandes ne parvenaient pas à décider Wyrd à manger, y compris
dans les moments où il était relativement sobre et lucide.
    — Je vous dis que je n’arrive pas à avaler,
s’entêtait-il. L’âge ne s’est pas contenté de jeter un froid sur mon intellect
et mon enthousiasme, il m’a aussi noué le gosier.
    —  Iésus ! répliquais-je, agacé. Du moment
que votre gorge est capable d’ingurgiter ces boissons dévastatrices, c’est
qu’elle va très bien !
    — Même ça, c’est de plus en plus difficile,
murmura-t-il. Et ça me guérit de moins en moins.
    Mais il s’en versa malgré tout une nouvelle lampée, aussi le
laissai-je immédiatement seul.
    Durant nos pérégrinations, Livia m’emmena partout ou elle en
avait envie. Une fois, nous gravîmes à mi-hauteur le pic le plus élevé des
environs, le Toit de Pierre, qui avait donné son nom à tout le massif
environnant, afin que Livia puisse me montrer ce qu’elle appelait un eisflodus. Ce terme ne me disait rien jusqu’à ce que nous arrivions avec Velox à son
extrémité, mais dès que je le vis, je tombai sous le charme.
    Aussi large qu’une rivière, l’ eisflodus coulait dans
une vaste et sinueuse crevasse, et possédait exactement les mêmes rides, vagues
et tourbillons que n’importe lequel des torrents bondissant des hauteurs de
Haustaths vers le lac. À ce détail près qu’il était totalement immobile à l’œil
nu, car entièrement fait de glace. Livia m’affirma pour sa part qu’il bougeait,
qu’il rampait plutôt, si lentement que si je le marquais d’un

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