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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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moi. Durant les
longs mois qui suivirent, chaque jour, du gris bleuté de l’aurore au gris
pourpre du couchant, le vieux Traqueur des Bois semblait marcher à mes côtés.
Dès mon réveil, je croyais le voir debout affairé près de moi, grattant sa
barbe et ses cheveux ébouriffés avec son habituelle mauvaise humeur matinale,
qui ne se dissolvait qu’après le déjeuner. Dans la chaleur de midi, à l’heure
où les lézards gisent, inertes dans leurs fissures rocheuses, et où même les
alouettes demeurent silencieuses, j’entendais sa voix bourrue me raconter une
de ses longues histoires, tant de fois dévidées… Dès que je dressais le camp,
je tenais scrupuleusement compte des critiques que je l’imaginais me faire sur
la façon de préparer un feu, ou de débiter notre prise du jour en morceaux
ayant la taille convenable pour passer à la cuisson.
    Souvent aussi, sans y faire attention, je m’adressais
directement à lui. Si sur ma route se présentait une montagne de forme
particulière, je pouvais par exemple m’enquérir : « Laquelle des
Oréades est la nymphe qui hante ce pic , fráuja  ? » ; ou
bien, au sujet d’une source rafraîchissante, demander : « Quelle
naïade est la nymphe de cette douce eau, fráuja  ? » ;
pénétrant dans une forêt luxuriante : « Laquelle des
Dryades… ? », ou encore auprès d’un lac tranquille, incitant à la
rêverie : « Quelle est celle des Limniades… ? » Je
n’entendais ni n’attendais jamais de réponse, pas plus que je n’aurais imaginé
voir apparaître l’une de ces nymphes évanescentes.
    La nuit surtout, je voyais et j’entendais le vieux Wyrd. Les
païens ont peut-être raison quand ils imaginent la Nuit comme la mère du
Sommeil et d’un millier de Rêves, dont le plus fin est Morphée, capable de se
frayer un chemin au sein de n’importe quel être humain, vivant ou mort. S’il y
a du vrai dans cette croyance païenne, alors Morphée m’apparut souvent sous les
traits de Wyrd, venu me donner un conseil, des instructions ou de précieuses
indications sur la vie des bois. Mais je ne saurais dire s’il me communiquait
ces précisions depuis l’après-vie, car les seuls messages oniriques dont je me
souvenais au réveil étaient de ceux qu’il m’avait transmis de son vivant.
    Quoi qu’il en soit, cette présence constante de Wyrd à mes
côtés me faisait du bien. Avec elle, je me sentais moins seul au fil de ma route,
et elle atténuait mon chagrin d’avoir perdu celui que je considérais comme mon
véritable père d’adoption. Que j’aie pu conserver si longtemps en mémoire
chacun des enseignements de Wyrd, même les plus cyniques, est la preuve
tangible que jamais je ne l’ai considéré comme véritablement mort. Et ce sera
le cas jusqu’à la fin de mes jours.
     
    *
     
    N’ayant encore aucune raison contraignante de hâter ma quête
de ma fratrie gothe présumée, je parcourus à mon rythme le reste de la Norique.
Disposant d’une fortune suffisante, je n’avais plus à rechercher de peaux, de
cornes ou quoi que ce soit d’autre à revendre ensuite, et le petit gibier que
j’abattais suffisait à me nourrir. Enfin, ayant à présent atteint la taille
adulte, étant de plus bien armé et disposant d’une vraie monture, je n’avais
plus à craindre d’être appréhendé comme esclave. Je n’en traversais pas moins
un territoire peuplé de gens dont j’ignorais tout, sans Wyrd à mes côtés pour
me mettre en garde contre des mauvaises fortunes qui pourraient survenir. Je
chevauchais donc toujours aux aguets, constamment attentif, et ne dormais la
nuit qu’ainsi que Wyrd me l’avait enseigné, la main crispée sur une pierre,
tendue au-dessus de son écuelle de cuivre. Elle m’éveillerait ainsi au moindre
danger.
    Je traversais de nouveau une région vierge de toute voie
romaine, avec seulement au sol les traces du passage d’un chariot, d’un
troupeau de bétail, ou d’un piétinement humain. Dès qu’elles menaient en
direction de l’est, je les suivais résolument. Mais si j’arrivais en vue d’un
autre voyageur ou que les traces menaient vers un lieu habité, je me cachais
d’abord sur un côté de la piste ou faisais une halte à couvert dans la forêt,
le temps de m’assurer que je ne courais aucun danger.
    Velox savait comme moi cheminer en silence, aussi
entendions-nous aussi bien l’un que l’autre venir de loin la carriole d’un
marchand, ou un berger et son

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