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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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querelles, ou joignent leurs mains en coupelle pour me demander
l’aumône. Ils vivaient juste leur vie, et ne me prêtaient aucune attention.
    J’observai un potier en train de façonner une élégante urne,
et quand il descendit du siège d’où il actionnait son plateau tournant pour
l’emmener à son four, je le vis marcher de travers, la jambe qui pédale étant
toujours plus robuste et musclée que l’autre. J’observai une femme de ménage
qui lavait une pleine barrique de vêtements envelopper chacun d’eux sur un
rouleau de bois et le promener de haut en bas sur une surface plane pour les
essorer. Je vis un tailleur de pierres polir un bloc de marbre fraîchement
découpé à l’aide d’une pierre ponce et s’arrêter fréquemment pour tousser, se
racler la gorge et cracher de la pituite, car comme les carriers et les
mineurs, ces gens finissent souvent par mourir de la détérioration des poumons
que les Grecs appellent la phtisie, ou encore « le mal qui ronge ».
    Je distinguai aussi, en tant que Veleda, le son particulier
de Vindobona. Bien sûr, ni Thornareikhs ni le plus illustre des patriciens
n’auraient pu ignorer le bruit qui monte d’une aussi active et populeuse
cité. C’était la cacophonie des sabots et des roues, les hennissements, les
renâclements et braiements des bêtes de trait, l’aboiement des chiens, le
couinement des porcs, le caquetage des poulets. S’y ajoutaient les sons
métalliques des forgerons, le tintement des changeurs d’argent, le grondement
des tonneaux de vin que l’on roulait, les vocalises et autres nasillements des
chanteurs de rues, les braillements des colporteurs ou des barbiers itinérants,
les hurlements des soldats enivrés, les sons étouffés des femmes en train de se
griffer et se crêper le chignon, et les rugissements d’hommes réglant leurs
comptes à coups de poings.
    Ce que j’entendis, moi, c’étaient les chants. La lavandière
chantonnait au-dessus du lavoir, le potier fredonnait doucement en actionnant
sa pédale. De l’église catholique résonnait la voix des enfants chantant leur
catéchisme, ce qui était pour eux la meilleure façon de le retenir. Tout le
monde semblait chanter en travaillant.
    Quand je rentrai à la maison, ce soir-là, j’annonçai à
Dengla que j’avais effectivement trouvé un emploi comme préparatrice de peaux,
que j’allais être payée à la pièce, et qu’étant rompue à cette tâche, je
gagnerais à partir de maintenant un peu plus que les gages moyens d’un
travailleur de base. Ainsi, lui expliquai-je, je serais en mesure de rester
chez elle durant les semaines à venir. Dengla me félicita, et je suis sûre
qu’elle était sincère, car sa naturelle âpreté au gain avait de quoi se réjouir
de cette nouvelle. Elle me gratifia même d’un petit sourire entendu lorsque,
après la cena, je lui dis que j’allais ressortir « me détendre un
peu » après ma dure journée de travail.
    Sortir ainsi le soir était une chose que je n’aurais pu
faire si j’avais été une femme de la bonne société. Faisant partie de la
populace, je jouissais d’une bien plus grande liberté d’aller et venir à ma
guise quand je le voulais. Je ne pouvais bien entendu aller m’asseoir à la
taverne et boire en compagnie de vieilles connaissances, comme avait pu le
faire Wyrd. Ces soirs-là, tandis que je flânais le long des rues éclairées de
torches, que je m’arrêtais pour manger à un étal public ou regarder une bande
de mimes s’adonner à leurs farces silencieuses, il m’arrivait aussi de me faire
accoster par un homme ivre ou d’être sollicitée par un plus sobre. Une petite
plaisanterie joviale suffisait en général à les décourager ; si d’aventure
ce n’était pas le cas, j’étais capable de les laisser allongés sur le sol avec
un nez cassé, une dent en moins, et un tout nouveau respect pour la gent
féminine. En définitive, les gens des classes pauvres étaient largement moins
criminels et mieux éduqués que ne le pensaient leurs supérieurs. Tant la
journée que la nuit, je rencontrai des personnes tout à fait recommandables qui
devinrent mes amis, bien que personne ne m’eût autant attiré que Gudinand, par
exemple. Il m’était de toute façon très simple, dès que je sentais ressurgir
mes appétits charnels, de me transformer le temps nécessaire en Thornareikhs
pour aller les assouvir en compagnie d’une de mes nobles amies.
    Lorsque j’eus bouclé ma

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