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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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déconcertant et
incurable, envoyait son patient se poster à un carrefour fréquenté, dans
l’espoir qu’un passant, pourquoi pas un étranger, connaîtrait le traitement et
dirait comment on guérissait ce mal ailleurs.
    — Il n’y a donc rien qui puisse être tenté ?
    — Si ce n’est des moyens désespérés. Certains anciens
recommandaient de boire du lait d’ânesse, ou de se baigner dans une eau où l’on
avait fait bouillir de la balle de blé. J’ai donc prescrit ces remèdes à la
princesse, mais rien n’a jamais prouvé qu’ils aient marché sur quiconque.
Sinon, partant du principe que cette tumeur est un kreps, je lui
administre de la poudre d’une substance calcaire appelée « l’œil de
crabe », pour son hypothétique effet homogénéisant. Hormis cela, je ne
puis lui donner qu’un produit lénitif destiné à dissoudre la matière morbide,
comme de la bryone dioïque, ou de l’essence de baies de buglosse, pour calmer
ses nerfs. Si la douleur se déclare, je lui prescrirai de l’écorce de racine de
mandragore, mais sitôt que ce type de traitement aura débuté, il lui en faudra
sans cesse des doses supérieures.
    Je bredouillai, incrédule :
    — Et vous la laisseriez partir ?
    — Pourquoi pas ? Entre ici et Constantinople, il y
a autant que l’on voudra d’ânesses de lait à traire et du blé à foison, dont on
peut tamiser la balle. Quant aux médicaments, je peux lui en donner à prendre
en chemin. Je peux vous laisser de la mandragore à lui administrer si elle
commence à souffrir, et un voyage pourrait être plus bénéfique à Amalamena que
n’importe quelle drogue ou remède. Je lui ai déjà recommandé de rechercher une
compagnie distrayante. C’est bien votre cas, niu ?
    —  Elle a l’air de me trouver drôle, en tout cas,
murmurai-je.
    Puis je lui demandai, sans trouver le courage d’achever la
question :
    — Lui avez-vous dit, pour…
    —  Ne. Mais Amalamena est loin d’être stupide, et
elle se doute de ce que cachent ces médications. S’il en fallait une preuve,
cette envie de saisir la première occasion de voyager indique clairement
qu’elle connaît son destin. Elle désire à l’évidence voir un peu le monde avant
de mourir. Je doute qu’elle ait déjà quitté cette ville, depuis sa naissance.
Et si elle préfère mourir ailleurs, loin de sa cité, ma foi… au moins je ne la
verrai pas succomber.
    Je fis remarquer, d’un ton mordant :
    — Vous semblez prendre un peu à la légère ce qui est
tout de même certainement votre plus auguste patiente…
    — Comment cela, à la légère ?
    Il pivota vers moi et me brandit son index juste devant le
nez.
    — Espèce d’insolent petit morveux ! Je vous
signale que c’est moi qui ai donné la vie à Amalamena, et que jamais je n’ai vu
de bébé aussi heureux, aussi doux et aussi gai qu’elle. Tout nourrisson,
lorsqu’il sort du ventre de sa mère et qu’on le brandit en l’air pour lui
donner une tape sur les fesses, pousse en général un hurlement et fond
bruyamment en larmes. Elle, Amalamena, a débuté sa vie par un éclat de
rire !
    Tandis qu’il me morigénait ainsi, le vieil homme s’était mis
à pleurer.
    — Voilà pourquoi je lui dis aujourd’hui :
« Essaie de rire à nouveau, mon enfant, tente de trouver des motifs
d’hilarité, et ris ! » Et Amalamena n’est qu’une des nombreuses
raisons qui m’inclinent depuis longtemps à maudire la profession que j’ai
choisie, car elle donne un avant-goût de la mort, prévoit des détails horribles,
et fait si peu pour les empêcher…
    Il s’essuya les yeux d’un revers de manche et dit pour
lui-même :
    — La jeunesse passe… la beauté se flétrit… la
perfection s’évanouit…
    Puis il lança de nouveau d’un ton hargneux à mon
intention :
    — Et je maudis tous les jeunes coqs suffisants de ton
espèce, qui osent mépriser le médecin parce qu’il n’est qu’un homme, non un
dieu !
    — Calmez-vous, lekeis Frithila, fis-je,
mortifié, honteux et au bord des larmes moi-même. J’emmènerai la princesse avec
moi, comme elle en a émis le souhait, et vous promets de veiller sur elle avec
grand soin. Comme vous le désirez, je m’évertuerai à être le compagnon le plus
divertissant possible, quitte à faire l’imbécile si nécessaire, et à la faire
rire souvent, pour lui permettre d’apprécier ce voyage. Donnez-moi aussi de la
racine de mandragore. Si je suis auprès

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