Thorn le prédateur
d’Amalamena quand la mort viendra, je
ferai de mon mieux pour la lui rendre plus douce.
*
Quand je sortis rejoindre le vieux Costula, il faisait
encore grand jour, aussi lui demandai-je de m’accompagner à différents
endroits. Nous descendîmes d’abord du côté des docks, là où j’avais laissé mes
affaires. J’en retirai trois choses que je désirais transporter moi-même, et le
majordome fit charger le reste sur sa chaise à porteurs. Je lui demandai
ensuite de me conduire jusqu’à l’atelier du meilleur aurifex de la
ville, et de me présenter. Je donnai au joaillier l’une des choses que j’avais
prises et lui demandai s’il pouvait trouver un moyen de le monter en bijou, tel
un ouvrage d’orfèvrerie, afin d’en faire un joli cadeau à offrir.
— Jamais on ne m’a encore demandé une chose pareille, Saio Thorn. Mais je vais y réfléchir. Et je vous promets qu’il sera prêt avant
votre départ.
Je me fis alors indiquer par Costula quelle rue pouvait me
conduire de l’autre côté de la colline jusqu’à la garnison, et les quittai,
leur demandant de ramener mes biens au palais. Les sentinelles postées aux
abords du camp militaire avaient à l’évidence été prévenues de mon arrivée, car
elles ne cherchèrent pas à vérifier mon identité lorsque je me présentai à
elles, et ne montrèrent aucune surprise de voir une si étrange et jeune
personne tenir le rôle de maréchal du roi.
Ils m’obéirent aussitôt quand je requis la présence
immédiate de l’ optio Daila. Et ce dernier anticipa ma demande dès qu’il
me rejoignit.
— J’ai ordonné à notre fillsmitha de laisser de
côté tous ses travaux en cours, Saio Thorn, afin de prendre les mesures
pour votre armure. Quant à notre hairusmitha, il est déjà en train de forger
ce qui sera votre future épée.
Il m’escorta donc jusqu’à l’atelier de l’armurier, à qui je
tendis un autre des objets que je transportais, le casque fabriqué pour moi à
Singidunum, lui demandant de l’embellir en fonction de mon rang. Il accepta de
s’en charger, ajoutant qu’il décorerait de manière assortie mon corselet, pour
lequel il prit mes mesures.
— Arrangez-vous aussi, custos, lui intimai-je
d’un ton facétieux, pour que je ne ressemble pas trop à un petit scarabée.
Le fillsmitha accueillit cette boutade d’un air
éberlué, mais Daila eut la courtoisie, à cette plaisanterie qui le mettait
directement en cause, de traîner des pieds en gloussant d’un air gêné.
Il me mena ensuite auprès du fabricant d’épées, et j’eus le
privilège accordé à peu de monde, même parmi les guerriers ostrogoths, de voir
comment l’on forgeait les célèbres lames à « trame de serpent
torsadé ». Bien que l’artisan fut déjà bien avancé dans la fabrication de
la mienne, il accepta cordialement de m’expliquer l’intégralité du procédé. Ou
du moins la quasi -intégralité.
Un forgeron, expliqua-t-il, doit faire d’abord chauffer au
rouge huit fines baguettes de fer, et les enrober de charbon de bois pour les
maintenir à haute température le temps que leur surface absorbe assez de
carbone pour se transformer en acier, le cœur de chaque tige demeurant toujours
formé de fer pur. Ces baguettes, alors qu’elles sont encore chaudes et
flexibles, sont tordues ensemble un peu à la manière dont une femme torsade ses
cheveux pour en faire une tresse. Quand celle-ci a refroidi, on la remet à
chauffer, on la redécoupe en huit pour former huit nouvelles tiges, et l’on
recommence l’opération jusqu’à les torsader de nouveau ensemble. Ce processus
est alors réitéré plusieurs fois de suite, en changeant régulièrement la
disposition des baguettes jusqu’à ce que l’artisan soit satisfait de la
composition de la partie centrale de la lame.
Sur son enclume, il martèle la pièce obtenue pour lui donner
la forme grossière d’une lame, et incorpore à chaud sur ses tranchants une fine
bande d’un acier très homogène, lui donnant un fil coupant et aigu qu’il affûte
ensuite à la meule. La lame obtenue est ensuite limée, brunie et polie jusqu’à
son aspect final. Durant ces différentes étapes, la trame distincte, bleuâtre et
légèrement scintillante de sa partie centrale apparaît lentement, et son aspect
varie suivant la façon dont les tiges ont été nouées, assemblées et
mélangées : nul ne peut ainsi prédire sous quel aspect final elles se
présenteront. Le plus
Weitere Kostenlose Bücher