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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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inconnus des hommes, mais qui concernent toutes les femmes. Un jour
que Sœur Tilde et moi-même avions été chargées de récurer le plancher des
chambres, des bruits étranges nous parvinrent de l’une d’entre elles. Nous nous
coulâmes à la porte et y glissâmes un œil. C’était la cellule de Sœur Leoda,
une novice à peu près du même âge que nous, et nous la vîmes se tordre sur sa
paillasse, gémissant, poussant de faibles plaintes, le bas de sa robe tout
trempé de sang.
    —  Gudisks Himins, murmurai-je saisie d’horreur.
Leoda a dû se blesser d’une façon ou d’une autre.
    —  Ne, fit Tilde impavide. Elle a tout bonnement ses
règles. Ce qu’on appelle la menstruation. Mère Aethera l’aura dispensée de ses
tâches du jour.
    — Mais cette jeune fille souffre ! Et elle
saigne ! Nous devons lui venir en aide !
    — Il n’est rien que nous puissions faire, Sœur Thorn.
Ce qui se passe est tout à fait normal. Toutes, nous devons l’endurer quelques
jours par mois.
    — Mais ça ne t’arrive pas, à toi, fis-je remarquer. En
tout cas, pas que je sache. Et à moi, certainement pas non plus.
    — Nous y passerons aussi, quand notre tour viendra.
Nous sommes issues de peuples nordiques. Sœur Leoda est de Massilia [23] ,
loin vers le sud. Les filles des climats chauds sont mûres beaucoup plus
jeunes.
    — C’est donc cela, la maturité ? m’exclamai-je,
épouvantée.
    Je jetai sur Leoda un nouveau regard consterné. Celle-ci ne
nous prêtait du reste aucune attention, totalement absorbée par sa propre
douleur.
    — Être mûre, c’est cela, en effet. La malédiction que
nous avons héritée d’Ève. Lorsqu’une fille devient femme, dès qu’elle atteint
l’âge de concevoir et de porter un enfant, elle subit ses premières règles.
Elles reviennent ensuite chaque mois, à moins qu’elle ne tombe enceinte. Cette
affliction se résorbe au bout de quelques jours, et ne cesse de se répéter
chaque mois, durant toute sa vie de femme, jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus
enfanter. Alors, ses pertes sanguines se tarissent, aux alentours de la
quarantaine.
    —  Liufs Guth ! murmurai-je. Je tendrais à
croire qu’une femme souhaite ardemment tomber enceinte, si cela peut lui procurer
un tel sursis.
    —  Akh, ne, ne parle pas ainsi ! Réjouis-toi
au contraire que nous autres, à Sainte-Pélagie, ayons renoncé aux hommes, au
mariage et à la maternité. Les règles ont beau être une calamité, elles ne sont
rien comparées aux tortures de l’enfantement. Souviens-toi de ce qu’a annoncé à
Ève Notre Seigneur : « Tu enfanteras dans la douleur. » Ne,
ne, Sœur Thorn, sois heureuse de demeurer à jamais vierge.
    — Si tu le dis, soupirai-je. Je ne vais pas pour cela
aspirer à toute force à la maturité, mais je m’y résignerai le moment venu.
    Bien que je dusse fournir de permanents et coûteux efforts
pour apprendre à me conduire en fille, je fus heureuse de constater que je
commençais sans difficulté à ressentir les choses à leur façon. J’ai déjà
raconté comment, avant même de prendre conscience de ma particularité physique,
j’avais déjà manifesté certains traits féminins, tels que l’incertitude, le
doute, la tendance à la suspicion, et ce sens éminemment anti-masculin de la
culpabilité.
    Dès que j’eus intégré ma féminité, il s’avéra que toutes mes
émotions se mirent pour ainsi dire à remonter à fleur de peau, et qu’elles
devinrent plus faciles à exprimer, comme à influencer. Alors que jeune garçon,
j’avais simplement admiré la mâle endurance du Christ sur sa croix,
j’envisageais maintenant avec un sentiment presque maternel la souffrance qu’il
avait dû supporter, et je laissais sans honte rouler des larmes sur mes joues.
Voilà que je devenais également d’une humeur plus changeante. Comme mes sœurs
novices, je pouvais prendre plaisir à des choses aussi frivoles que m’habiller
ou me sentir heureuse. À leur exemple, je pouvais me renfrogner à telle ou
telle offense réelle ou supposée, puis me mettre à bouder.
    J’en vins à réaliser que comme elles, j’étais devenue assez
sensible aux odeurs, qu’elles soient agréables ou nauséabondes, et tout au long
de ma vie ultérieure, j’eus l’occasion de découvrir à quel point les parfums et
l’encens pouvaient influer profondément sur mon humeur, mes émotions et
dispositions. Comme mes sœurs, j’étais capable de deviner lorsque l’une

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