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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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monde savait, chez nous, que l’empereur n’était
évidemment pas à Rome. Certes, le Sénat romain s’y réunissait encore, et
l’évêque de Rome continuait de là-bas de diriger l’essentiel de la chrétienté.
Mais nul empereur n’y régnait plus. Depuis près de cinquante ans, tant par
lâcheté que pour des raisons de sécurité, les empereurs s’étaient retirés avec
leur cour dans la cité de Ravenne, au nord de l’Italie, entourée de marécages
donc plus facile à défendre.
    En réalité, le chancelant siège impérial « de
Rome » était bien à l’image de ce qu’était devenu depuis longtemps déjà
l’Empire romain d’Occident. Comme je l’ai dit, ce n’est qu’à la mort d’Attila,
survenue un peu avant ma naissance [24] , que les Huns s’étaient retirés
d’Europe pour se réfugier dans les lointaines solitudes de la Sarmatie, d’où
ils avaient surgi un siècle plus tôt. Mais leur venue avait laissé des traces
durables puisqu’en avançant, ils avaient repoussé devant eux plusieurs peuples
germaniques, les forçant à quitter leurs domaines traditionnels pour en envahir
d’autres où ils s’étaient solidement fixés. Les Goths avaient été déracinés de
leur fief entourant la mer Noire et désormais, une moitié d’entre eux, les
Ostrogoths, occupaient la Mésie, tandis que leurs homologues, les Wisigoths,
tenaient les provinces d’Aquitaine et d’Hispanie. Un autre grand peuple
germanique de l’époque, les Vandales, avait quitté les terres d’Europe pour
s’établir le long du littoral de Libye. Les Burgondes contrôlaient la région où
j’étais né, les Francs régnant quant à eux sur la partie nord de l’ancienne
Gaule. Bien que ces terres fussent encore nominalement romaines, ostensiblement
vassales de l’Empire, Rome suspectait leurs occupants « barbares »
d’être de virtuels belligérants, susceptibles de se soulever à tout moment.
    La seule force habilitée en principe à assurer l’unité de
l’Empire, l’Église chrétienne, était trop souvent déchirée par des rivalités et
jalousies internes. Les chrétiens d’Occident étaient brouillés avec ceux
d’Orient. Dans le même temps, chacun des évêques des cinq grands sièges
épiscopaux de la chrétienté – Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche
et Jérusalem – cherchait par tous les moyens à se faire reconnaître comme
seul souverain des chrétiens, à décrocher le titre respecté de
« pape » et à asseoir l’autorité effective de sa seule juridiction.
Pour compliquer encore les choses, bien que le christianisme fut depuis deux
siècles la religion officielle de l’Empire, de multiples sectes hérétiques et
autres cultes païens s’étaient développés. Les populations germaniques de
l’Empire avaient soit gardé la Vieille Religion, celle d’Odin et des autres
dieux scandinaves, soit opté pour la branche jugée « hérétique » de
l’Église arienne. Nombre de Romains conservaient en outre l’ancienne foi en
Jupiter et son cortège de dieux associés, tandis que les militaires ne juraient
que par le culte perse de Mithra, jugé plus « viril ».
    Tel était le monde tourmenté et aux abois dans lequel je
pénétrais, moi qui l’étais tout autant. J’étais loin de me douter que mes pas
me conduiraient aux pieds de la personne qui restaurerait la paix et l’unité,
la loi et l’ordre dans l’Empire romain d’Europe. Comment aurais-je pu le
savoir ? L’Empire lui-même ignorait encore l’existence de cet homme car
Théodoric, que tous appelleraient plus tard Théodoric le Grand, n’était encore,
comme Thorn le mannamavi, qu’un enfant.
    À la vérité, il devait être bien plus candide que je ne
l’avais été à son âge, tout au moins en termes de vertu et d’innocence. En
effet, j’avais connu au cours des derniers mois les nombreux plaisirs, les
occasionnelles angoisses et hélas, les pénibles conséquences d’une vie sexuelle
d’adulte, qui plus est vécue des deux bords à la fois. Je dois toutefois
insister sur un point. Comme l’avait prévu de longue date le médecin
Chrysogène, je ne fus effectivement affecté d’aucune des contraintes pesant
d’ordinaire sur les deux sexes : je n’eus pas à subir les règles
mensuelles qui affligent les femmes, et jamais je ne portai d’enfant. Pour
autant que je sache, jamais non plus je ne fus père. Je me trouvai ainsi, et
c’était une chance, totalement exempté des

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