TOCQUEVILLE AU BAS-CANADA
donnons un shilling.
C'est la War-dance Horrible à voir. Quelle dégradation. Autre danse à genoux la tête dans la terre. Nous ne savons comment poursuivre. Des huttes dans les marais de l'autre côté. Un canot se détache et vient. Navigation effrayante. Bonne chasse au marais.
4 août. - Nous partons à 6 heures du matin. Journée absolument insignifiante. Vers le soir, nous perdons toute terre de vue.
5 Août. - À 4 heures nous arrivons au bout du lac Huron. Nous apercevons dans le lointain quelques montagnes. Le fond du lac est parsemé d'une multitude innombrable de petites îles qui sortent comme des bosquets de dessus la surface. Parfaite solitude. Des forêts de tous les côtés. Pas la moindre trace de l'homme. Pas un vaisseau en vue. En côtoyant l'île Saint-Joseph, ruines du fort de ce nom. Cheminées encore existantes. Nous entrons dans la Rivière Sainte-Marie. Tantôt large comme un lac, tantôt resserrée entre des îles et des pointes de terre couvertes de bois. Parfaite solitude.
De temps en temps une famille d'Indiens sur la rive, assis immobiles auprès de leur feu. Leur canot tiré sur la grève. Un grand canot monté de huit hommes vient vers nous. Les Indiens tirent des coups de fusil, poussent des cris de joie. Ils nous donnent des pigeons. Nous leur donnons de l'eau-de-vie. Au coucher du soleil nous entrons dans un canal fort étroit.
Vue admirable. Instant délicieux. Les eaux de la rivière immobiles et transparentes. Une forêt superbe qui s'y réfléchit. Dans le lointain des montagnes bleues et illuminées par les derniers rayons du soleil. Feu des Indiens qui brille à travers les arbres. Notre vaisseau s'avance majestueusement au milieu de cette solitude, au bruit des fanfares que l'écho des bois renvoie de tous les côtés. A la nuit on met à l'ancre. Danse sur le pont. Étonnement et admiration des Indiens à la vue du premier vaisseau à vapeur
working in the water.
6 août. - Aujourd'hui
il y a un an, nous avons fait un Roi. Brouillard épais qui nous empêche de partir. Il se lève et découvre des collines et d'éternelles forêts. A 9 heures, arrivée à Sault-Sainte-Marie. Site délicieux. Temps admirable. Sainte-Marie, un carré palissadé avec un mât et un immense pavillon américain au milieu. Plus loin, deux pointes de terre couvertes de beaux arbres qui resserrent la rivière. Sous les arbres, des wigwams. Entre les pointes, les rapides. Plus loin des montagnes et d'interminables forêts. A notre arrivée toute la population sur le rivage et sur les toits des maisons. On ne voit qu'une fois par an un vaisseau comme le nôtre. Caractère singulier de cette population, mélange de tous les sangs. Les plus nombreux, les Canadiens, bois-brûlés ou métis. Nuances depuis l'Européen jusqu'au sauvage. Figures bariolées et peintes. Cheveux retroussés avec plumes. Nous prenons un canot indien pour aller au lac Supérieur. Visite au camp des Indian traders. (Voir plus bas). Ce qu'était ce canot d'écorce peint. Assis au fond, huit (en nous comptant) sérieux et immobiles.
Aux deux bouts, un Canadien demi-sauvage, mais ayant retenu toute la gaîté de ses pères et faisant voler le canot en chantant et en disant de bons mots. Empressement des Indiens vers Mr. Mullon. Baptême dans la chambre du vaisseau. Singulier effet que cause sur nous cette langue française entendue à la fin du monde et avec ses vieilles tournures et son accent provincial : laridondaine, laridondon. De temps en temps : hou ! ou :
marche.
Nous arrivons à la pointe aux chênes. Un petit village indien. Leur hutte : douze pieds de diamètre, six pieds de hauteur. Leurs chiens sauvages. Le chef demande à voir mon fusil (à piston). Costume du chef : pantalon rouge, une couverture, les cheveux retroussés sur le haut de la tête. Deux plumes dedans. Je tire mon fusil devant lui. Il admire et dit qu'il avait toujours entendu dire que les Français étaient une nation de grands guerriers. Je demande ce que c'est que ces plumes. Il me répond avec un sourire de joie que c'est le signe qu'il a tué deux Sioux (il est un
Sauteur,
nation toujours en guerre avec l'autre). Je lui fais demander une de ces plumes en lui disant que je la porterai dans le pays des grands guerriers et qu'on l'admirera. Il l'ôte aussitôt de ses cheveux et me la donne, puis étend sa main et me serre la mienne.
Nous revenons. Descente des rapides. Habileté incroyable
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