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TOCQUEVILLE AU BAS-CANADA

TOCQUEVILLE AU BAS-CANADA

Titel: TOCQUEVILLE AU BAS-CANADA Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alexis de Tocqueville
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sont des jeunes gens intelligents et de bon sens.

        D. - Dans quelle proportion la population française est-elle à la population anglai­se dans le Canada ?

        R. - Neuf à dix. Mais presque toute la richesse et le commerce est dans les mains des Anglais. lis ont leur famille et leurs relations en Angleterre et trouvent des facilités que nous n'avons pas.

        D. - Avez-vous beaucoup de journaux en langue française ?

        R. - Deux.

        D. - Dans quelle proportion leurs abonnés sont-ils avec les abonnés des journaux anglais ?

        R. - 800 sur 1.300.

        D. - Ces journaux ont-ils de l'influence ?

        R. - Oui. Une influence très marquée quoique moins grande que celle qu'on dit qu'ils obtiennent en France.

        D. - Quelle est la position du clergé ? Avez-vous remarqué en lui la tendance politique qu'on l'accuse d'avoir en Europe ?

        R. - Peut-être peut-on reconnaître en lui une tendance secrète à gouverner ou diriger, mais c'est très peu de chose. En général, notre clergé est éminemment natio­nal. Ceci est en partie un résultat des circonstances dans lesquelles il s'est trouvé placé. Dans les premiers temps de la conquête et jusqu'à nos jours, le gouvernement anglais a sourdement travaillé à changer les opinions religieuses des Canadiens afin d'en faire un corps plus homogène avec les Anglais.

       Les intérêts de la religion se sont donc trouvés opposés à ceux du gouvernement et d'accord avec ceux du peuple. Toutes les fois qu'il s'est agi de lutter contre les Anglais, le clergé a donc été à notre tête ou dans nos rangs. Il est resté aimé et respecté de tous. Loin de s'opposer aux idées de liberté, il les a prêchées lui-même. Toutes les mesures en faveur de l'instruc­tion publique que nous avons prises presque de force et malgré l'Angleterre, ont trouvé un appui dans le clergé. Au Canada ce sont les protestants qui soutiennent les idées aristocratiques. On accuse les catholiques d'être démagogues. Ce qui me fait croire que le caractère politique de nos prêtres est spécial au Canada, c'est que les prêtres qui nous arrivent de temps en temps de France montrent au contraire pour le pouvoir une condescendance et un esprit de docilité que nous ne pouvons concevoir.

        D. - Les mœurs sont-elles pures au Canada ?

        R. - Oui, très pures.

        ***

Canada
    25 août 1831 [D'après George Wilson Pierson (op. cit., p. 318), Tocqueville et Beaumont ont quitté Montréal dans l'après-midi du 24 août à bord du John Molson.

        
                          Les remarques générales sur le Canada (Voyages I, pp. 210-211) auraient été écrites le lendemain matin, comme le bateau approchait de Québec
.]

        
Apparence extérieure :
Le Canada est sans comparaison la portion de l'Amérique jusqu'ici visitée par nous, qui a le plus d'analogie avec l'Europe et surtout la France. Les bords du fleuve Saint-Laurent sont parfaitement cultivés et couverts de maisons et de villages, en tout semblables aux nôtres. Toutes les traces de la
wilderness
ont disparu ; des champs cultivés, des clochers, une population aussi nombreuse que dans nos provinces l'a remplacée.

        Les villes, et en particulier Montréal (nous n'avons pas encore vu Québec) ont une ressemblance frappante avec nos villes de province. Le fond de la population et l'immense majorité est partout française. Mais il est facile de voir que les Français sont le peuple vaincu. Les classes riches appartiennent pour la plupart à la race anglaise. Bien que le français soit la langue presque universellement parlée, la plupart des journaux, les affiches, et jusqu'aux enseignes des marchands français sont en anglais. Les entreprises commerciales sont presque toutes en leurs mains. C'est véri­tablement la classe dirigeante au Canada.
    Je doute qu'il en soit longtemps ainsi. Le clergé et une grande partie des classes non pas riches, mais éclairées, est français, ils commencent à sentir vivement leur position secondaire. Les journaux français que j'ai lus font contre les Anglais une opposition constante et animée. Jusqu'à présent le peuple ayant peu de besoins et de passions intellectuelles et menant une vie matérielle fort douce, n'a que très imparfaitement entrevu sa position de nation conquise et n'a fourni qu'un faible point d'appui aux classes éclairées. Mais depuis quelques

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