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TOCQUEVILLE AU BAS-CANADA

TOCQUEVILLE AU BAS-CANADA

Titel: TOCQUEVILLE AU BAS-CANADA Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alexis de Tocqueville
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autre­ment prépondérante que celle qu'avaient ses pareils en France ; une administration se mêlant encore de bien plus de choses que dans la métropole, et voulant de même faire tout de Paris, malgré les dix-huit cents lieues qui l'en séparent ; n'adoptant jamais les grands principes qui peuvent rendre une colonie peuplée et prospère, mais, en revan­che, employant toutes sortes de petits procédés artificiels et de petites tyrannies réglementaires pour accroître et répandre la population : culture obligatoire, tous les procès naissant de la concession des terres retirés aux tribunaux et remis au jugement de l'administration seule, nécessité de cultiver d'une certaine manière, obligation de se fixer dans certains lieux plutôt que dans d'autres, etc., cela se passe sous Louis XIV ; ces édits sont contresignés Colbert. On se croirait déjà en pleine centralisation moderne, et en Algérie. Le Canada est en effet l'image fidèle de ce qu'on a toujours vu là. Des deux côtés on se trouve en présence de cette administration presque aussi nombreuse que la population, prépondérante, agissante, réglementante, contraignante, voulant prévoir tout, se chargeant de tout, toujours plus au courant des intérêts de l'administré qu'il ne l'est lui-même, sans cesse active et stérile.

         

       Aux États-Unis, le système de décentralisation des Anglais s'outre, au contraire : les communes deviennent des municipalités presque indépendantes, des espèces de républiques démocratiques. L'élément républicain qui forme comme le fond de la constitution et des mœurs anglaises, se montre sans obstacle et se développe. L'admi­nistration proprement dite fait peu de chose en Angleterre, et les particuliers font beaucoup ; en Amérique, l'administration ne se mêle plus de rien, pour ainsi dire, et les individus en s'unissant font tout. L'absence des classes supérieures, qui rend l'habitant du Canada encore plus soumis au gouvernement que ne l'était, à la même époque, celui de France, rend celui des provinces anglaises de plus en plus indé­pendant du pouvoir.

        
Dans les deux colonies on aboutit à l'établissement d'une société entièrement démocratique, mais ici, aussi longtemps, du moins, que le Canada reste à la France, l'égalité se mêle au gouvernement absolu ; là elle se combine avec la liberté. Et quant aux conséquences matérielles des deux méthodes coloniales, on sait qu'en 1763, époque de la conquête, la population du Canada était de 60.000 âmes, et la population des provinces anglaises, de 3.000.000.
         [Souvenir de la taille au Canada]

        Tout le monde sait également que la Révolution abolit une multitude d'impôts onéreux ou humiliants, tels que la dîme, les droits féodaux, la corvée, la gabelle, la taille, impôts dont les uns ne furent jamais rétablis et dont les autres ne le furent qu'incomplètement ou après l'époque dont je parle [Ce passage est tiré d'un chapitre que Tocqueville avait déjà rédigé pour son deuxième ouvrage sur la Révolution. À défaut du texte définitif, nous possédons néanmoins tous les fragments, toutes les notes de Tocqueville grâce aux soins de monsieur André Jardin. Voir dans les
Oeuvres complètes (Maye
r),
l'Ancien Régime et la Révolution,
volume II, pp. 286-287.]. On ne peut guère se figurer aujourd'hui combien plusieurs de ces impôts paraissaient insupportables au peuple, soit à cause de leurs vices, soit par suite des idées qui s'y rattachaient.

        Me trouvant au Canada en l'année 1831 et causant avec des paysans d'origine française, je m'aperçus que, dans leur bouche, le mot de taille était devenu le syno­nyme de misère et de mal. Ils disaient d'un événement très fâcheux : c'est une véritable taille. L'impôt lui-même n'avait, je crois, jamais existé au Canada ; en tout cas, il y avait été aboli depuis plus d'un demi-siècle. Personne ne savait plus en quoi il avait consisté, son nom seul était resté dans la langue comme un témoignage impérissable de l'horreur qu'il avait inspirée.
            [Le caractère national des Français au Canada]

        
Manière de coloniser des Français ; caractère national. -
« Un gouverneur, dit le marquis de Mirabeau, un intendant se prétendant tous les deux les maîtres et jamais d'accord : un conseil pour la forme. Gaieté, libertinage, légèreté, vanité ; force fripons, très rarement

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