Toulouse-Lautrec en rit encore
pas se confesser !
— C’est de vous, commissaire ? demanda Dorval d’un air narquois.
— Non, mais je ne sais plus qui a dit cela…
— De toute façon, Labatut ne croyait pas en Dieu. Pourquoi aurait-il voulu se confesser ?
— Parfois, il n’est pas inutile de soulager sa conscience, dire tout ce que l’on a sur le cœur ! Peu importe que ce soit à un représentant de Dieu, à un ami ou à quelqu’un qui vous en intime l’ordre.
Coustot considérait d’un œil froid son interlocuteur dont la tête s’enfonçait peu à peu entre les épaules.
— Je suis vraiment pressé, commissaire. Je dois y aller ! Ma femme m’attend.
— Vous êtes marié ?
— Enfin, disons que je suis à la colle avec une fille depuis maintenant six mois.
— Je serais presque tenté de croire que vous vous êtes rangé, monsieur Dorval… railla le policier dont l’imperméable humide sanglant son importante masse pondérale alourdissait plus encore la démarche.
Le jeune gardien tendit une main ferme à Coustot en guise d’au revoir.
— Rien ne vous autorise à penser le contraire, commissaire ! ajouta le gardien qui avait pris son air le plus canaille pour désarçonner l’homme de la PJ toulousaine.
Au Pontié , c’était l’heure de l’apéritif. L’orage avait converti la terrasse en un champ de bataille désert. Parasols repliés, chaises renversées, cendriers brisés. Coustot se dirigea donc vers le comptoir, commanda une bière blanche et, d’un coup d’œil circulaire, déplora l’absence des trois autres collègues de Dorval, pressés certainement, eux aussi, d’en finir avec ces « sales histoires ».
Serviette suspendue à son gilet, verre plein, fourchette à la main, Cantarel était confortablement installé à table quand Théo fit une intrusion remarquée dans la salle de restaurant de l’hostellerie de la famille Rieux. Il paraissait essoufflé, nerveux et contrarié d’avoir dû soumettre à la question Mlle Combarieu pour lui arracher le nom de la table où M. le conservateur entendait se garnir la panse.
— Je vous cherche partout, patron !
— Ben, voyez, Théo, je suis là !
Devant lui trônait une belle assiette de radis chauds au foie salé.
— Ça m’a l’air bougrement bon ! Qu’avez-vous donc commandé ?
— Un plat typique d’ici. C’est Hélène qui m’a fait découvrir cette spécialité dans un restaurant de Montparnasse. Au Bourdelle , vous connaissez ? Le chef est originaire d’Albi ! C’est tout simple à faire… Vous faites revenir des radis que vous coupez en rondelles dans une poêle avec de l’huile et, en parallèle, vous faites la même chose avec un foie salé. Vous mélangez les deux et vous déglacez la poêle au vinaigre. Vous poivrez et le tour est joué ! Vous voulez goûter, Théo ?
Trélissac ne se fit pas prier et, au frémissement de ses narines, il était évident qu’il allait sur-le-champ commander le même plat.
— Et vous arrosez déjà au gaillac, je présume ?
— Goûtez-moi ça, Théo !
Séraphin se saisit de la bouteille qui reposait dans un seau à glace et remplit le verre de son assistant :
— Domaine de Labarthe, une quarantaine d’hectares amoureusement cultivés par la famille Albert. Ils font un gaillac doux tout à fait exceptionnel.
Après avoir trempé ses lèvres dans ce nectar, Trélissac observa la bouteille plus en détail.
— Millésime 1950, vous l’avez fait exprès, patron ?
— … Un peu… avoua Cantarel, la lippe gourmande.
— Merci, patron. Peut-être que je mérite votre délicate attention ?
— Allons bon ! Qu’avez-vous appris ce matin, mon cher Théo, de nature à me remonter le moral ?
Avec un sens de la précision et du suspense qui n’appartenait qu’à lui, Théodore raconta son échappée dans le jardin de Paul Dupuy et surtout montra la lettre anonyme.
— Anonyme, elle ne l’est pas ! conclut Séraphin en relisant le document plié en huit que son assistant lui avait soumis. J. J. ? Qu’est-ce qui se cache derrière ces deux initiales ? s’interrogea le conservateur en mâchant comme un initié ce gaillac doux qui excitait ses papilles autant que la missive de Théo avait mis le feu à son imagination.
— Ce Dupuy s’est embringué dans une sale affaire et il a des maîtres chanteurs au cul !
— Oui, sauf que la dette évoquée dans la lettre n’a rien d’explicite. Est-ce de
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