Toulouse-Lautrec en rit encore
fausses plaques.
— Une Citroën SM ? La plus rapide des routières. 225 kilomètres/heure chrono !
— Elle était garée depuis quatre jours sur le parking d’un supermarché aux Escaldes, juste avant d’arriver à Andorre-la-Vieille, vous connaissez ?
— Pas vraiment… Mais quand j’étais étudiant, j’écoutais Sud-Radio. Cette station émet depuis l’Andorre. Alors, les Escaldes, cela me dit vaguement quelque chose. Comment êtes-vous sûr que ces cadres viennent bien du musée d’Albi ?
— Puisque je vous ai dit qu’ils sont estampillés Toulouse-Lautrec, vous êtes buté, Trélissac ! De toute façon, j’ai demandé à la gendarmerie d’Ax-les-Thermes de les rapatrier à Albi pour identification.
— C’est une sage décision ! commenta Théo.
— Merci de votre approbation, jeune homme ! lâcha Coustot qui n’appréciait que modérément les audaces et parfois l’impertinence de l’assistant de Cantarel.
Théo resta muet un instant au téléphone.
Indiscret, un soleil de printemps tentait une intrusion par les persiennes de la chambre d’hôtel, dessinant des lames de lumière éclatantes sur son torse nu. Depuis l’adolescence, Théo n’avait jamais pu dormir autrement que nu. Été comme hiver.
— Vous êtes là, Trélissac ?
— Oui, oui, commissaire…
— Faites-moi le plaisir de boire un café et de mettre la main sur votre patron. Lautrec est en train de nous rendre tous fous !
Coustot raccrocha comme il avait réveillé Théo. En aboyant.
Séraphin Cantarel était introuvable. À l’évidence, il avait déserté sa chambre. Personne ne disait l’avoir vu à l’hôtel, pas plus qu’au musée. Où diable furetait-il ? Théo n’était pas homme à s’inquiéter, mais tout de même. Il alla frapper à la porte de la conciergerie et trouva Mme Labatut en nuisette. Peu farouche, elle incita Théodore à ne pas rester sur le pas de la porte.
— Voulez-vous un café ? Je viens juste de le faire.
Trélissac accepta. Le spectacle qu’offrait cette femme entre deux âges n’était pas déplaisant. Une peau encore très ferme, des grains de beauté constellant le haut du dos, des seins galbés, des hanches généreuses mais sans trop. Micheline Labatut se promenait ainsi dans sa minuscule cuisine sans la moindre pudeur.
Sur la table en Formica vert pâle elle déposa un bol qu’elle remplit copieusement d’un café très noir :
— Alors, comme ça, vous avez perdu votre patron ?
— Oh, rassurez-vous, je n’ai encore jamais vu M. Cantarel se perdre dans un musée ! Il doit fouiner quelque part… Il faut dire qu’ici, à la Berbie, il s’en passe des choses étranges…
— Étranges, étranges ? Ce n’est pas la première fois qu’un musée est dévalisé, répliqua-t-elle d’un air désinvolte.
— Pourquoi n’avez-vous pas dit au commissaire Coustot que votre mari débranchait parfois le système d’alarme quand les chauves-souris menaient la danse ?
Piquée au vif, Micheline Labatut se réfugia derrière une porte et réapparut aussitôt sanglée dans une robe de chambre d’un rose fané. Manifestement, elle avait renoncé à son numéro de charme. On n’amadouait pas le petit Théo avec du miel.
— Ne m’en parlez pas ! Il a suffi d’une fois pour que…
— Ce n’était pas la première fois que le système d’alarme était mis hors service. Votre mari savait bien qu’il se mettait en porte-à-faux avec les consignes de sécurité du musée…
— Oui, je le lui ai dit souvent, mais il n’en faisait qu’à sa tête ! C’était, des fois, une vraie tête de mule, mon René !
— C’est comme ça que vous l’aimiez, n’est-ce pas ? insista Théo avec la fausse naïveté dont il abusait parfois.
— Bien sûr que je l’aimais, vous en avez de ces questions !
— Non, je dis ça parce qu’il y a des mauvaises langues parmi le personnel du musée qui prétendent que vous le trompiez régulièrement…
— Qui vous a dit ça ? clama la veuve dont le visage s’était soudain épaissi.
— Ils sont plusieurs et tiennent tous à garder l’anonymat.
— Qu’ils se mêlent de leurs fesses ! ragea Mme Labatut qui, du coup, ne trempait plus ses lèvres pulpeuses dans son bol de café.
— Vous savez le bruit qui court entre ces murs depuis quarante-huit heures ? lança Théo comme pour aiguiser davantage la curiosité de son interlocutrice.
— Je préfère ne pas
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