Toulouse-Lautrec en rit encore
l’hiver et à 22 heures l’été.
— Le soir du vol, qui relevait-il ?
— Dorval.
— Comme par hasard !
— Vous voulez dire que Dupuy serait l’auteur du… balbutia Dorléac.
— … ou bien le complice d’un tiers, ce qui n’exclut pas que Dorval soit le complice du complice…
Cantarel souriait à présent tellement les supputations du policier étaient, aux yeux de Jean Dorléac, abracadabrantesques.
Séraphin prit alors le relais de Coustot :
— Monsieur Dorléac, est-ce qu’un jour, vous avez surpris Dupuy ou Dorval en discussion avec les fils Labatut ?
— Je ne saurais vous dire, monsieur le conservateur.
— Réfléchissez, Dorléac, c’est important ! renchérit Coustot qui tapotait sa Gitane sans filtre sur le plat de son paquet avant de la soumettre à son briquet Bic.
— Non, très sincèrement, je n’ai pas souvenir de les avoir aperçus ensemble.
Assailli de questions, confronté à des mœurs qui lui étaient étrangères, Dorléac eut recours une nouvelle fois à sa pochette blanche pour éponger son front humide. Il demanda à Cantarel l’autorisation de s’asseoir sur l’un des bancs en bois qui jalonnaient l’ancien chemin de ronde. Séraphin l’imita alors que Fernand Coustot essayait de lire quelques-uns des graffitis gravés à même la brique.
— Bien, bien… poursuivit le policier qui aurait préféré une autre réponse.
— Commissaire, j’ai eu encore ce matin M. le maire au téléphone. Il veut savoir à tout prix ce que pense la police.
Coustot se racla la gorge avant de lâcher, sans ciller, une phrase qui se voulait définitive :
— Vous direz au premier magistrat d’Albi que la police doute fortement de l’intégrité et de la probité du personnel de son musée !
Sûr de son effet, Coustot les abandonna sur leur banc et alla fumer sa cigarette non loin de la cabane où les voleurs avaient décadenassé l’échelle qui leur avait permis d’orchestrer leur cambriole. Dans l’herbe tendre, parmi les hortensias et les rosiers grimpants, le policier quêtait le moindre indice, mais ses collaborateurs avaient déjà sérieusement ratissé les lieux.
Le commissaire profita de son éloignement pour satisfaire un besoin pressant. Sans se concerter, Dorléac et Cantarel pensèrent à la même chose. Coustot devait être un homme de la terre, il aimait pisser sous les étoiles ou au pied des rhododendrons.
Le lendemain matin, Mlle Lysiane ne parvint pas à réveiller M. Cantarel. Trois, quatre, puis cinq sonneries de téléphone ne suffirent pas à l’extraire de son sommeil. Fallait-il qu’il soit mort de fatigue ! À moins qu’il n’ait déserté sa chambre dès potron-minet pour jouir des premières lueurs de l’aube sur les eaux tamisées du Tarn ? En désespoir de cause, l’employée de la maison Rieux réveilla son assistant :
— C’est pour M. le conservateur. Il ne répond pas. Alors, j’ai pensé que c’était peut-être important. C’est un certain M. Coustot…
Pris au saut du lit, Théo avait une voix affreusement rauque :
— Oui, commissaire, que puis-je faire pour vous ?
— Je cherche à joindre votre patron : on a retrouvé les tableaux. Enfin, leurs cadres !…
— Qu’est-ce que vous dites ? marmonna Trélissac, décidément mal réveillé.
— Je suis en train de vous expliquer, jeune homme, que l’on a retrouvé les encadrements de trois Toulouse-Lautrec…
— Jusqu’à preuve du contraire, on n’a volé que deux tableaux ! persista Théo.
— Oui, mais je me tue à vous expliquer que seuls les cadres ont été saisis… sans les toiles.
— Mais pourquoi me parlez-vous de trois tableaux ?
— Que diable, ouvrez vos écoutilles, je sais bien qu’il est tôt, mais tout de même ! La police andorrane vient de mettre la main, vous dis-je, sur trois cadres identifiés comme provenant du musée Toulouse-Lautrec, dont deux ont les dimensions des tableaux que nous recherchons.
— Et le troisième alors ?
— Pour l’instant, c’est un mystère !
— Et les toiles ?
— Elles ont été dégrafées avec soin. Du travail de pro, visiblement…
— À cette heure-ci, elles sont déjà en Espagne, peut-être même au Maroc… supputa Théo, agacé.
— C’est pas exclu, grommela Coustot à l’autre bout du téléphone.
— Où les a-t-on retrouvés ?
— Dans le coffre d’une SM noire, immatriculée dans l’Aude, mais c’étaient des
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