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Toulouse-Lautrec en rit encore

Toulouse-Lautrec en rit encore

Titel: Toulouse-Lautrec en rit encore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Alaux
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Taillefer, deux ou trois filles peu farouches se livraient autrefois à quelques gâteries, confia Dorléac tout émoustillé.
    — Ce n’était pas chez Taillefer, mais plutôt chez Taillepipe ! s’esclaffa Théo, s’excusant aussitôt de sa grossièreté qui avait eu le don de déclencher l’hilarité générale.
    — Nous avons affaire au plus vieux métier du monde, n’est-ce pas ? reprit Jeanine Dorléac d’une voix qui sentait la nicotine.
    — En France, l’organisation des lieux de prostitution remonte à Saint Louis, mais la première vraie réglementation, nous la devons à…
    — … Talleyrand ! s’empressa de répondre Théo.
    — Pour une fois, vous avez faux, Théo !
    — … À Colbert ! lâcha Séraphin.
    — Très bien, mon chéri. Notre fameux contrôleur général des finances entend alors tout régenter, jusqu’aux mœurs sexuelles des sujets de Louis XIV. C’est à cette époque que se multiplient les maisons closes dans tout Paris, en particulier dans les beaux quartiers.
    — En matière de sexe, pas de lutte des classes ! claironna Dorléac.
    Et Mme Cantarel de reprendre le conservateur tarnais :
    — … Après 1850, il y a tellement de bordels dans Paris et dans les grandes villes de France qu’il convient de légiférer. Une loi du 17 ou 18 juillet, je ne sais plus, 1870 institue la liberté du commerce des débits de boissons, encourageant implicitement le proxénétisme de cabaret. Ainsi, les classes populaires sont invitées à fréquenter les estaminets, les cabarets et les bals alors que les classes bourgeoises iront naturellement vers les restaurants, les magasins de curiosités et les maisons de rendez-vous. Du coup, on assiste à de nouvelles vocations parmi les jeunes filles que la nature n’a pas trop mal dotées ou pour lesquelles la vie a été sans pitié : les filles de cafés…
    — On croirait entendre la chanson de Piaf :
    La fille de joie est belle
    Au coin de la rue là-bas
    Elle a une clientèle
    Qui lui remplit son bas…
    Séraphin poussa la chansonnette avec un accent réaliste qui épata la tablée. On réclama la suite, mais le conservateur parisien mentit éhontément en prétextant ne pas connaître le reste des paroles.
    — Et chez les bourgeois ? demanda Jeanine.
    — Ils préfèrent les cafés-concerts. On aurait tort de croire que c’est la passion de la musique qui a été pour beaucoup dans l’explosion des cafés-concerts au cœur des années 1880. Que ce soit à Paris ou en province !
    — Nous sommes un peu éloignés du petit monde de Toulouse-Lautrec, corrigea Séraphin.
    — Un peu… souligna Théo à l’ironie décidément mordante.
    — Ses dessins et tableaux en disent plus que ses mœurs.
    — Sa vie et son œuvre se confondent ! assena du ton le plus sérieux qui soit le jeune Trélissac.
    Puis il enchaîna, contre toute attente, un exposé sur le sujet qui laissa pantois autant les Cantarel que les Dorléac : pour Toulouse-Lautrec, vu sa dégaine, l’amour tarifé, c’était quand même le plus sûr moyen d’obtenir les faveurs d’une femme ! Très tôt, il devient un habitué des « abbayes s’offre-à-vous », comme aurait dit Mme Cantarel. Il fréquente assidûment un claque situé rue Steinkerque. Parfois même, il paye une passe à son ami Vincent Van Gogh.
    — Vraiment ? demanda Séraphin.
    — Si je vous le dis ! Mais il n’est pas fidèle à un établissement en particulier. Il aime bien courir les bordels, encore que ce ne soit pas le terme qui convienne vu ses pattes en verre de Murano ! Il teste les vénus crapuleuses ou malheureuses, c’est selon, des maisons rue des Moulins, rue Joubert, rue des Rosiers, rue de Richelieu ou rue d’Amboise. Il a néanmoins une petite préférence pour cette dernière maison qui l’accueille avec bienveillance…
    — C’est à croire, Théo, que vous étiez caché dans l’alcôve… supputa Hélène.
    — J’y étais, madame, répliqua-t-il d’un air gourmand.
    Cécile ne le lâchait pas des yeux.
    — … En 1892, la maîtresse des lieux lui demande de décorer de son pinceau les murs du salon de « rencontres ». Lautrec va ainsi réaliser seize panneaux, de style Louis XV, chacun orné au centre d’un médaillon ovale représentant les « demoiselles » de la maison.
    Lorsque Jeanine fit circuler le plateau de fromages, tous étaient suspendus à la soudaine érudition de Trélissac sur les maisons de

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